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fondée, c’est-à-dire le mariage. On peut être amené à cet acte par des voies très diverses. Certains commencent par décider de se marier, et choisissent ensuite la personne à qui ils s’uniront. D’autres sont amenés au mariage par la rencontre d’une personne déterminée. De quelque manière que la chose se fasse, les sentiments qui nous y poussent peuvent être très divers, et ils sont ordinairement multiples. Certains peuvent apparaître comme des sentiments altruistes : le désir de ne pas vivre solitaire, le désir d’avoir des enfants, l’amour, quand il implique une affection véritable. Mais ces sentiments mêmes sont-ils réellement altruistes ? Sans doute l’homme qui les aura satisfaits pourra se dévouer à sa femme, à ses enfants ; mais en satisfaisant ces sentiments, n’est-ce pas son propre bonheur qu’il a cherché tout d’abord à assurer ? D’autres fois on se marie parce que l’on a été en quelque sorte suggestionné par la coutume, par l’exemple, par les conseils ou les sollicitations. Mais combien de fois aussi ce sont des sentiments manifestement égoïstes qui déterminent les mariages : ainsi le désir d’avoir une dot, et particulièrement — chez les paysans — celui d’acquérir des terres qui arrondissent celles qu’on possède.

2o Le deuxième moment, dans la vie gamique de l’homme, est celui de la procréation des enfants. Celle-ci, dans la plupart des anciennes sociétés humaines, n’a point été réglée par la volonté : et les choses sont telles, aujourd’hui encore, dans bien des pays. De plus en plus cependant, le contrôle de la volonté s’exerce sur la procréation. Et si la volonté intervient, c’est quelquefois pour consentir à la naissance d’un grand nombre d’enfants ; mais c’est beaucoup plus communément pour consentir seulement à la naissance d’un très petit nombre ; après quoi elle se refuse à la procréation. Or c’est une question de savoir jusqu’à quel point le désir d’avoir des enfants est vraiment un sentiment altruiste. Et quand on se refuse à en avoir, ou à augmenter le nombre de ceux qu’on a, c’est presque toujours pour des motifs égoïstes, parce qu’on a peur des ennuis que les enfants nous causent, parce qu’on ne veut pas diminuer son bien-être, parce qu’on ne veut pas que sa fortune soit morcelée au mariage des enfants, ou quand on mourra.

En bien des façons, on le voit, l’égoïsme intervient dans notre vie gamique. Ce n’est guère que vis-à-vis des enfants déjà nés qu’il ne joue pour ainsi dire plus aucun rôle. Et c’est une chose curieuse que la différence qui existe, si souvent, entre les sentiments des parents avant et après la naissance des enfants.

57. Les autres manifestations de l’altruisme. — Ce n’est pas seulement dans la famille que nous faisons preuve d’altruisme. L’altruisme se manifeste encore dans l’amour, quand celui-ci implique le désir du bonheur de la personne aimée, et dans l’amitié. Puis il y a la charité, qui nous porte à secourir les misères de nos semblables, et la philanthropie,