Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/135

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truire, de terres à défricher ou d’œuvres à monter : et ils se désintéressent des affaires qu’ils ont commentées dès qu’elles sont, comme on dit, sur pied. Et il en est qui se plaisent à courir des risques, qui sont joueurs : ils éprouvent à jouer une émotion très vive, qu’ils goûtent beaucoup ; et ils sont entraînés par là à assumer, à faire naître des risques même défavorables, sans qu’on puisse dire cependant qu’ils sont fascinés par l’appât du gain possible.

4° À la suite des mobiles précédents nous placerons l’amour du commandement.

5° La vanité et l’orgueil sont encore des mobiles que l’on peut regarder comme égoïstes. Il existe, au reste, deux variétés pour l’un et pour l’autre de ces mobiles. Il y a des vaniteux qui sont flattés de l’approbation qu’ils reçoivent, de l’admiration qu’ils suscitent. D’autres vaniteux sont affectés plutôt par la comparaison que l’on fait d’eux avec leurs rivaux : ils tiennent avant tout à surpasser les autres. Et une distinction analogue peut être établie parmi les orgueilleux. La seule différence essentielle, en effet, de la vanité et de l’orgueil, c’est que celle-là se fonde sur l’opinion que les autres ont de nous-même, et celui-ci sur notre propre opinion.

6° Nous mentionnerons enfin ici la peur du châtiment et le désir des récompenses. Nous avons rattaché tantôt aux mobiles désintéressés cette influence continue que les coutumes, les croyances de notre milieu exercent sur nous, et qui nous détourne des actes contraires aux règles admises. Quand à la crainte un peu vague que nous inspire la pensée de ces actes vient s’ajouter, comme il arrive d’ordinaire, la crainte de la réprobation publique, ou le désir de la louange, on peut dire que c’est un mobile égoïste qui apparaît. Et le doute sera moins permis encore quand l’objet de notre crainte sera une peine point exclusivement « morale », comme aussi quand l’appât d’une récompense « matérielle », ainsi que l’on dit, nous déterminera à agir.

59. Remarques critiques. — Il y a donc en nous toutes sortes d’inclinations égoïstes. C’est de l’importance relative de chacune d’elles que dépend, en grande partie, notre bonheur. L’avarice, par exemple, est fâcheuse à ceux qui en sont possédés : car si elle leur vaut des joies qui sont vives, ces joies cependant — sans qu’il soit besoin de rien dire des soucis qui les accompagnent souvent — ne paraissent pas compenser les joies d’un autre ordre dont l’avare se prive en s’abstenant d’user de ses richesses. Mais quel rôle ces sentiments que l’on a passés en revue joueront-ils dans notre vie économique ?

Parmi eux, il s’en trouvera — tel l’avarice — pour influer sur l’emploi que nous ferons des richesses acquises. Tel autre — la crainte du châtiment nous détournera de nous enrichir par de certains moyens, et sera par là un auxiliaire de la moralité. Mais on ne voit pas, en somme, que l’action