Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/137

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de réaliser un gain pour quelques risques insignifiants que comporte l’opération en question ; et il sera déraisonnable encore si, pour donner dans le présent une satisfaction à sa passion, il se condamne pour plus tard à des désagréments qui feront plus que compenser cette satisfaction.

Ce sont parfois les passions qui nous entraînent à commettre des actes déraisonnables. La définition même de la passion — si l’on s’attache au sens le plus usuel du mot — semble devoir être cherchée dans le fait qu’elle nous pousse à de tels actes.

Les passions nous font faire des fautes. Ceci à vrai dire n’apparaît guère si l’on considère seulement l’utilité immédiate des actes où ces passions nous poussent. À défaut d’une utilité positive qui soit proportionnée à la véhémence de l’impulsion — souvent en effet le plaisir que nous procure l’assouvissement de la passion est très décevant —, il y a une utilité négative qui, elle, est toujours très grande : car la passion qui n’est pas assouvie est une cause de vives souffrances. Mais le propre de la passion est de concentrer toute notre attention sur cet objet dont elle nous fait désirer la possession, et de nous empêcher de nous arrêter à la pensée des conséquences qu’aura cette possession, comme aussi des dangers qu’il faut courir, des maux qu’il faut endurer pour y parvenir. L’homme envahi par une passion peut savoir très bien à quoi il s’expose, à quoi il se condamne en s’y abandonnant : il s’y abandonne néanmoins, pour son malheur souvent et parfois pour sa perte.

On sait au reste, qu’il y a des gens chez qui la passion n’apparaît que comme une sorte d’accident, inspirée par quelque objet particulier ; que d’autres aspirent passionnément à la possession de certaines catégories d’objets — qu’ils sont passionnés, en d’autres termes, pour telle ou telle sorte de plaisirs — ; qu’il est enfin des natures « passionnées », comme on dit, chez lesquelles tous les désirs tendent à prendre le caractère qui vient d’être indiqué.

Les passions nous portent à désirer telle ou telle sorte de plaisir, telle ou telle sorte de biens ; il y a, maintenant, des actes déraisonnables que nous commettons quand nous nous trouvons en présence de certaines nécessités d’ordre général, dans certaines situations où il ne s’agira pas particulièrement de choisir entre tel et tel biens spécifiques : cette sorte d’actes déraisonnables a sa source dans des dispositions qui peuvent être inhérentes soit à la nature humaine, soit à la constitution de certains individus. Nous indiquerons les plus importantes de ces dispositions déraisonnables.

En premier lieu, il faut mentionner la paresse. Un individu n’est point paresseux quand la liberté et le loisir représentent pour lui plus de bonheur que les biens qu’il pourrait se procurer avec le gain de son travail — diminués, bien entendu, de la disutilité de la fatigue, etc. —. Mais on est