Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais quels sont les produits qui correspondent aux deux classes de productions distinguées ci-dessus ? Effertz observe que ces biens coûtent beaucoup de terre qui servent à notre alimentation ; ces biens, au contraire, coûtent surtout du travail qui font notre vie confortable ou luxueuse, qui sont, encore, la condition de notre culture. Il y a, d’un côté et de l’autre, des exceptions : les poissons, qui dans certains pays constituent une partie importante des ressources alimentaires de la population, coûtent surtout du travail. Les chevaux que les gens riches s’offrent le luxe de nourrir, les parcs, les terrains de chasse de ces mêmes gens coûtent principalement de la terre. On est en droit de négliger ces exceptions. La loi de tantôt pourra ainsi être formulée de la façon suivante : on peut, à la place de tels aliments, produire tels autres aliments, on peut produire à la place de tels biens de luxe ou de culture tels autres biens de luxe ou de culture ; on ne peut pas substituer à la production d’un aliment celle d’un bien de luxe ou de culture ; on ne peut pas non plus faire l’inverse, ou on ne le peut que dans une mesure restreinte.

Cette formule à laquelle il est arrivé, Effertz en tirera des conséquences considérables. Il en déduit que les hommes pourraient arriver à être pourvus d’une manière très inégale en nourriture d’une part, et d’autre part en biens de luxe et de culture. Pour le commun des malthusiens, l’humanité, nécessairement, s’achemine vers une indigence totale ; elle tend perpétuellement vers un état de surpopulation, lequel se caractériserait par une production insuffisante de toutes sortes de biens. À quoi Effertz répond qu’il est une catégorie de biens dont les hommes ne risqueront jamais d’être insuffisamment pourvus : à savoir ces biens qui coûtent du travail ; ou plutôt ils ne viendraient à manquer de ces biens que dans cette mesure où, la terre ne produisant pas assez d’aliments pour leurs besoins, ils se verraient contraints, pour échapper aux tourments de la faim, d’accroître la production agricole en intensifiant la culture le plus possible.

Les malthusiens sont tombés dans un excès de pessimisme. D’autres ont péché, à l’inverse, par un excès d’optimisme : tels certains socialistes qui comptent que l’instauration du régime social dont ils sont partisans accroîtra indéfiniment le bien-être des hommes sous tous les rapports, qui croient que toutes les productions pourront être accrues indéfiniment. Il est, leur objecte Effertz, des productions dans lesquelles la terre est l’agent productif principal ; et les terres ne peuvent pas être multipliées. Bien plus, ces méthodes de culture que l’on emploie dans les pays d’Occident ont pour conséquence un appauvrissement continu des terres. Les plantes que la terre produit enlèvent à celle-ci les principes nutritifs qu’elle contient ; et ces principes, quand il s’agit de plantes consommées par les habitants des villes pour leur alimentation, sont conduits à la mer par les égouts. On se préoccupe bien, maintenant, de rendre au sol, sous