Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/227

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

parfois, la production familiale reconquérir des domaines qu’elle avait perdus : l’invention de la machine à coudre, par exemple, lui a donné, pour de certaines choses, un regain de vitalité.

Telle est dans son essence la théorie d’Effertz. Elle repose sur cette affirmation que le producteur qui produit pour vendre établit ses prix de manière à recevoir de ses acheteurs, non seulement le paiement de ses frais, mais quelque chose en plus. Dans les frais de notre producteur, au reste, il faut mettre non seulement ses débours, mais d’autres éléments encore, comme l’intérêt de ses avances, avec la prime nécessaire pour couvrir ses risques, et la valeur de son travail, calculée d’après ce qu’il pourrait gagner s’il travaillait pour le compte d’un autre. La question, en somme, est de savoir s’il y a pour le producteur-vendeur en tant que tel un revenu spécifique. Si ce revenu existe — et nous verrons plus tard, quand nous traiterons de la distribution, qu’il existe en effet — , la théorie d’Effertz se trouve justifiée dans son principe.

Pour pouvoir appliquer, toutefois, d’une manière correcte cette théorie aux phénomènes de l’expérience, il est nécessaire dénoter au préalable divers points.

1° Les biens que nous pouvons acheter sur le marché ne sont pas toujours exactement pareils aux biens correspondants que nous produirions nous-mêmes. La cuisine du restaurant est différente de celle que l’on fait à la maison ; et de plus, même si les mets étaient identiques, ce ne serait pas la même chose de manger au restaurant que de manger chez soi : la nécessité d’aller prendre ses repas dehors, de manger au milieu de per sonnes étrangères, tout cela nous fait préférer communément la deuxième organisation. Si les Américains du nord, souvent, vivent à l’hôtel, ce n’est pas que cela leur revienne moins cher : c’est — entre autres choses — pour éviter les ennuis que leur causeraient, s’ils avaient un appartement à eux, les domestiques.

2° Le calcul du prix de revient des biens achetés et des biens produits à la maison est plus compliqué qu’on ne pourrait croire au premier abord. Ainsi la production mercantile, qui à bien des égards est moins coûteuse que la production familiale, comporte des frais, souvent, que celle-ci n’a pas à supporter, et que l’on ne considère pas assez. L’industriel qui tient un restaurant a un loyer à payer, et d’autant plus élevé que la concurrence l’oblige à s’installer à proximité des clients à qui il s’adresse ; pour pouvoir faire sa cuisine chez soi, au contraire, on n’a pas besoin, à l’ordinaire, de payer un loyer plus élevé que celui qu’on paierait autrement.

3° Le triomphe de la production familiale sur la production mercantile, ou inversement, ne sera pas déterminé d’une manière rigoureuse par une formule comme celle d’Effertz. Des facteurs d’un autre ordre interviennent. La tradition d’abord, la coutume maintiennent le trio de de production exis