Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/230

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tout à fait rudimentaire, et l’autre, au contraire, une technique très perfectionnée. Il n’est pas inconcevable que le premier peuple pousse ses placements capitalistiques assez loin pour faire descendre l’intérêt au-dessous du taux du deuxième peuple : dans ce cas, manifestement, ce ne sera pas s’exprimer correctement que de dire la production du premier peuple plus capitalistique que celle du deuxième.

2° Mesurerons-nous le degré capitalistique de la production à la durée moyenne de cette production ? C’est là la manière de voir de Böhm-Bawerk. Pour Böhm-Bawerk, toutefois, la durée moyenne de la production varie proportionnellement à la quantité du capital avancé, en sorte que le degré capitalistique de la production, dépendant de la durée de la production, dépend tout aussi bien, et du même coup, de la quantité du capital. Mais nous savons que les deux notions si intimement associées par Böhm-Bawerk sont en réalité, jusqu’à un certain point tout au moins, indépendantes l’une de l’autre. Il nous faut donc les envisager séparément.

Pour ce qui est de la durée de la production, c’est une opinion assez répandue qu’elle est, de nos jours, relativement brève. On justifie celle opinion, principalement, par la rapidité beaucoup plus grande avec laquelle les nouveaux procédés techniques permettent d’accomplir certaines opérations productives. La transformation de la fonte en acier exigeait 3 semaines il n’y a pas bien longtemps ; elle se fait aujourd’hui, avec la méthode Bessemer, en 20 minutes. Le tannage des peaux, qui demandait jadis un an à un an et demi, s’opère en 4 jours. Et ces exemples sont plus connus encore qui se peuvent tirer de l’histoire des industries du transport[1]. Mais il faut prendre garde, comme Böhm-Bawerk nous en a avertis, de bien calculer la durée de la production. Pour estimer celle durée correctement, il est nécessaire de considérer, non pas seulement tel ou tel des stades de la production, mais toute la succession de ces stades : il faudra, s’il s’agit de la fabrication de l’acier, tenir compte des capitaux qui ont servi à construire les fours Bessemer, elc.

Nous conformant aux indications de Böhm-Bawerk, quelle idée nous ferons-nous des effets des progrès de la technique sur la durée de la production ? Böhm-Bawerk, lui, accorde que certaines inventions techniques permettent d’abréger les processus productifs auxquels on les applique. Mais il affirme que ces inventions sont des exceptions, que les inventions, à l’ordinaire, ont pour résultat d’allonger la durée de l’attente capitalistique[2]. À la vérité, il est bien difficile de prendre parti dans une discus-

  1. Voir Sombart, Der moderne Kapitalismus, Leipzig, Duncker et Humblot. 1902, t. II, liv. I, chap. 4. Sombart discute dans ce chapitre la question de l’allongement ou de l’abrègement du processus productif moyen dans notre époque.
  2. Voir Einige strittige Fragen der Capitalstheorie, Vienne, Braumüller, 1900, I, §§ 4 et 6.