Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/248

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de ces sociétés de construction qui sont si nombreuses en Angleterre et aux États-Unis[1]. Ces sociétés sont composées d’ouvriers dont l’ambition est d’avoir un jour une maison à eux ; et elles réunissent des fonds qu’elles emploient à faire construire des habitations ouvrières. Leur objet, on le voit, est analogue à celui des sociétés de consommation : il s’agit toujours, en supprimant le bénéfice d’un entrepreneur, d’obtenir pour un prix moins élevé des biens que l’on veut acquérir.

Nous ne regarderons pas non plus comme des entreprises coopératives ces sociétés que certains producteurs fondent — ce sont surtout des producteurs agricoles — pour acheter des instruments de production, pour organiser des magasins où leurs produits seront mis en vente, ou pour travailler ces produits. Dans ce dernier cas, par exemple quand des propriétaires fonciers, des fermiers créent des laiteries, des fromageries coopératives, on emploie assez souvent l’expression « coopérative de production ». Mais il faut bien voir qu’une laiterie coopérative ne diffère pas seulement d’une coopérative de bottiers ou de peintres en bâtiment en ce qu’il s’agit là d’une production agricole, ici d’une production industrielle. Les agriculteurs qui réunissent le lait de leurs troupeaux pour le stériliser, pour le convertir en beurre ou en fromage, reçoivent chacun une quantité de beurre ou de fromage, ou encore — dans une forme ou dans l’autre — une part sur le rendement de l’exploitation qui est proportionnelle au lait qu’ils ont apporté. Il se sont associés, en somme, pour faire à meilleur compte et dans des conditions meilleures à tous égards une des opérations de leur production. Et de plus ce n’est point par eux-mêmes, à l’ordinaire, qu’ils feront cette opération.

L’établissement par un patron, dans sa maison, de la participation aux bénéfices en faveur de ses employés, donne-t-il à l’entreprise un caractère coopératif ? Il ne nous semble pas. L’employé qui participe aux bénéfices ne participe pas aux pertes ; il n’est à aucun degré propriétaire de cette entreprise où il travaille, et il n’intervient en rien dans la direction. Ce n’est jamais qu’un salarié, dont le salaire, pour une raison ou pour une autre, a été réglé par le patron d’une manière spéciale.

L’intervention des ouvriers dans la direction de l’entreprise, on croira peut-être la voir là où il existe de ces institutions qu’on appelle conseils d’usine, chambres d’explication, etc. Mais tout d’abord cette intervention ne s’accompagne aucunement d’une participation à la propriété. D’autre part, cette intervention est limitée jusqu’à présent à un certain ordre de questions. Partout où le contrat collectif se substitue au contrat individuel du travail, où le régime représentatif remplace, dans l’entreprise, le régime absolutiste de naguère, cette transformation ne se fait que pour ce

  1. Voir Gide, même ouvrage, chap. 2, II, pp. 212-215.