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Considérons, maintenant, la notion de concurrence dans sa généralité. Les économistes ont plus d’une fois bâti des théories sur le concept d’une concurrence où tous les producteurs concurrents se trouveraient sur un pied d’égalité parfaite. Il importe de voir que ce concept est dépourvu de réalité, qu’entre les producteurs en concurrence il existe toujours des inégalités d’une sorte ou de l’autre.

Supposons un certain nombre de fabriques travaillant pour la consommation de la ville où elles sont situées, et qui produisent le même article. Les coûts de production n’y seront pas égaux. Tout d’abord nos fabriques n’auront sans doute pas les mêmes dimensions ; il y en aura de plus grandes et de plus petites ; et nous savons que la productivité varie avec l’échelle de la production. Les frais de production, d’autre part, changent d’une maison à l’autre parce que l’une est mieux dirigée que l’autre, parce que celle-ci peut employer, grâce à un brevet, un procédé technique plus avantageux, parce que celle-là dispose d’une chute d’eau, etc.

Si nos fabriques produisent plusieurs articles, l’une pourra produire à meilleur compte tel de ces articles, une autre tel autre, etc.

Les frais de production sont-ils les mêmes partout ? les articles produits ne seront pas identiques comme qualité. Et certains clients préférant telle marque, d’autres clients telle autre marque, ce sera comme si chaque établissement produisait à moins de frais par rapport à telle partie de la clientèle : car c’est la même chose, ou à peu près, de produire à moins de frais le même article que son rival, et de produire avec la même dépense un article meilleur.

Restons dans l’hypothèse de producteurs produisant avec les mêmes frais. Si ces producteurs n’ont pas leur établissement au même lieu, ils ne seront dans la même situation que par rapport à ces clients qui se trouveront à égale distance des uns et des autres. Le transport des marchandises augmente le prix de celles-ci ; on pourra donc dire que la production des marchandises est grevée de frais d’autant plus élevés qu’elle travaille pour des clients plus éloignés ; et si les clients doivent venir consommer les produits au lieu de production, il faut tenir compte de la même manière de l’incommodité plus ou moins grande qu’ils éprouveront à se déplacer.

Ainsi la concurrence n’est jamais parfaite. Et à vrai dire, non seulement le concept de la concurrence parfaite est un concept irréel, mais on n’aperçoit pas comment cette concurrence parfaite pourrait exister, et on ne voit pas qu’il soit possible d’imaginer à quels résultats elle conduirait. Comment les consommateurs, pris individuellement, pourraient-ils n’avoir aucune raison de se fournir ici plutôt que là de ce qu’ils désirent ? Et s’ils n’ont aucune raison de se fournir ici plutôt que là, qu’arrivera-t-il de la concurrence des producteurs ? On nous dit qu’ils baisseront leur prix jusqu’à ce que ces prix ne soient plus que l’équivalent des frais de la produc-