Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/287

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Il est toutefois au sujet de la concurrence et du monopole dans l’économie contemporaine, des remarques fort intéressantes que l’on peut faire.

1° En premier lieu, la facilité croissante des transports a pour conséquence de mettre sans cesse les producteurs en concurrence avec des producteurs nouveaux, de plus en plus éloignés ; et par là, élargissant la concurrence, elle tend aussi à remplacer des monopoles localisés dans de petits espaces par des monopoles s’exerçant sur des étendues plus vastes.

2° En deuxième lieu — ce fait d’ailleurs, comme on verra plus loin, n’est pas sans avoir du rapport avec le précédent —, ces dernières années ont vu se multiplier un peu partout, d’une manière qui dans de certains pays apparaît comme prodigieuse, les ententes ayant pour but de limiter la concurrence, ou de constituer proprement des monopoles nouveaux.

Le deuxième fait apparaît comme ayant une importance considérable. Il convient de l’étudier avec soin.

151. Les coalitions d’entreprises.[1] — Il y a eu à toutes les époques et dans tous les pays des ententes pour la limitation, tout au moins, de la concurrence[2]. Il suffira de rappeler l’organisation en guildes, au moyen âge, des marchands qui faisaient le commerce maritime, ou encore les efforts des anciennes corporations pour empêcher les prix de descendre au-dessous d’un certain niveau. Mais c’est à notre époque surtout que ces ententes, ces coalitions d’entreprises, par le développement qu’elles ont pris, se sont imposées à l’attention des économistes.

Ce développement des coalitions d’entreprises auquel nous assistons, ce n’est pas dans la sphère de la petite industrie, du petit commerce qu’il se manifeste. Un peu partout, dans les localités petites ou moyennes, il existe, par exemple, des accords tacites ou même exprès des boulangers, des bouchers pour maintenir les prix. Mais de tels accords ne semblent être ni plus nombreux, ni moins nombreux qu’ils ont pu être jamais, depuis que le régime des corporations a été aboli.

C’est dans la sphère de la grande production que les coalitions d’entreprises, dans ces derniers temps, ont pullulé ; et c’est là qu’il nous faut les étudier. Voyons tout d’abord comment il convient de les classer.

Nous ne mettrons pas dans les coalitions d’entreprises ces ententes qui se forment parfois entre spéculateurs, et qui visent à accaparer le stock

  1. La littérature, sur cette question, est extrêmement abondante. On peut consulter Bourguin, Systèmes socialistes, chap. 11, II, et Annexe II — c’est dans ce livre que nous puiserons nos statistiques —, et Hobson, Modern capitalism, chap. 7 à 9. Comme ouvrages spéciaux, nous avons mentionné déjà celui de Baker, Monopolies and the people ; citons encore Jenks, The trust problem, nouv. éd., New-York, Macclure, 1903, Martin Saint-Léon, Cartells et trusts, Paris, Lecoffre, 1903, et Liefmann, Kartelle und Trusts, 1905.
  2. Cf. Schmoller, Grundriss, § 146 (trad. fr., t. II).