Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/435

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

économie naturelle, on travaille en vue de la satisfaction de besoins que l’on sent, de besoins actuels ; et de tels besoins sont limités, pour la plu part ; du moins, ces satisfactions apparaissent comme limitées que l’on pense pouvoir leur donner. Dans l’économie monétaire, c’est pour gagner de l’argent que l’on travaille, c’est à cela que l’on vise. On travaille, ainsi, pour se procurer le moyen de satisfaire ses besoins en général, les futurs comme les présents, les potentiels comme les actuels ; même, si l’on néglige ceux qui sont condamnés à vivre au jour le jour, et certains autres hommes dont la psychologie est quelque peu exceptionnelle, c’est surtout en vue des besoins futurs et potentiels que l’on travaille ; et certains en viennent à ne plus penser à ces besoins que l’argent permettra de satisfaire, à désirer l’argent pour lui-même. Pour tous, il y a, comme but au moins immédiat de leurs efforts, non plus l’acquisition de richesses concrètes et diverses, mais l’acquisition de la richesse, c’est-à-dire de quelque chose d’abstrait, et qui peut être indéfiniment accru.

Mentionnons encore, parmi les conséquences psychologiques de l’introduction de la monnaie, le développement de l’esprit de prévoyance. Avec la monnaie, on peut plus facilement sans doute dissiper son avoir ; mais on a la possibilité aussi, comme nous l’avons montré, d’épargner, de capitaliser, et on y est puissamment incité.

2° Au point que l’on appelle communément social, la monnaie a produit des changements qui ne sont pas moins importants. Elle permet aux individus de se détacher des lieux où la possession de la terre, dans une économie non monétaire, les fixerait. Elle a modifié complètement les rapports sociaux. Que l’on considère, par exemple, la société du moyen âge ; la hiérarchie sociale y reposait sur l’obligation, pour les inférieurs, de fournir soit des redevances en nature, soit des services d’une espèce ou de l’autre ; et le régime médiéval a fait place à un régime nouveau quand des obligations pécuniaires sont venues remplacer les obligations précédentes. Dans la société moderne, les obligations n’ont plus autant qu’au moyen âge le caractère de liens personnels. Les individus sont plus libres, et de bien des façons. Il est vrai que si leur dépendance est moins étroite par rapport aux hommes — nous voulons dire à des personnes déterminées —, leur sort dépend beaucoup plus que par le passé de tout l’ensemble des conditions sociales.

3° Plaçons-nous, enfin, au point de vue proprement économique. Ici encore, nous constaterons que la monnaie a opéré des changements profonds. Ces changements ont résulté, en partie, de tels des faits dont nous venons de parler — notamment des modifications produites dans la psychologie humaine par l’emploi de la monnaie. Ils ont résulté aussi, pour une très