Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/45

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vrai de toute la sociologie. Il est aujourd’hui des sociologues pour croire que des progrès de leur science toutes sortes de grandes choses sont à attendre, que ces progrès nous donneront sur les croyances humaines, sur tout le monde moral, une puissance analogue à celle que d’autres sciences nous ont donnée sur le monde matériel. Mais c’est là une pure illusion, fondée sur une assimilation inexacte ; ceux qui y tombent oublient que dans le champ de la sociologie on a vite trouvé le fond — pour ainsi parler — de cette réalité que l’on étudie.

Le développement futur de l’économique ne fera sans doute jamais apparaître de grande vérité qui soit absolument nouvelle. Comme par le passé, on améliorera les théories existantes en les complétant, en les rectifiant ; on remarquera des faits élémentaires sur lesquels l’attention ne s’était pas portée suffisamment, on instituera des rapprochements féconds de ces faits avec les autres ; on observera plus exactement les faits concrets, les faits de masse notamment, et l’on déterminera des relations de tels de ces faits avec tels autres de même nature. L’économique progressera par un perfectionnement pour ainsi dire continu.

Ce perfectionnement, au reste, ne pourra être qu’assez lent. Nous avons dit plus haut que l’économique, comme science, était relativement facile à constituer. Elle est telle en un sens. Mais des causes multiples ont retardé dans le passé, et ne manqueront pas de retarder dans l’avenir son avancement. Les méthodes les plus utiles, dans cette science, sont en même temps, comme on le verra bientôt, des méthodes très dangereuses, dont l’emploi nous entraîne bien souvent dans l’erreur. La diversité, d’autre part, des méthodes que l’économique peut et doit employer a donné naissance à des partis pris déplorables : certaines écoles, attachées exclusivement à l’emploi d’une certaine méthode, refusent de tenir aucun compte des résultats que les autres méthodes ont donnés. Il y a encore cet exclusivisme national dont nous avons parlé, et qui empêche parfois que les travaux de valeur soient connus de tous ceux qui en pourraient profiter. Les conséquences pratiques des théories détournent souvent d’étudier celles-ci avec impartialité, et de les comprendre, ceux qu’elles peuvent atteindre, même indirectement, dans leurs intérêts. Enfin, il faut voir que les théories économiques, si satisfaisantes soient-elles, ne s’imposent jamais comme peuvent faire les vérités physiques ou biologiques. Les faits physiques ou biologiques se présentent souvent comme des faits indépendants des faits voisins, ou ils peuvent être rendus indépendants de ceux-ci : l’abstraction qui est nécessairement dans les lois générales se trouve ici réalisée en quelque sorte dans des observations auxquelles on peut procéder, ou peut être réalisée par l’expérimentation. Les faits économiques, au contraire, forment à l’ordinaire un complexus tel que lorsqu’on affirme l’existence d’un lien causal entre tel et tel d’entre eux, on peut rarement présenter une observation