Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/450

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temps il se trouvera des gens en Angleterre pour envoyer de l’or en France : car pour chaque unité d’or qu’ils enverront, ils obtiendront 15,5 unités d’argent, soit 3,5 de plus que chez eux ; le bénéfice de l’opération sera représenté pour eux par lu valeur chez eux de ces 3,5 unités d’argent.

Que si, maintenant, le rapport des métaux, en Angleterre, devenait plus petit que, c’est-à-dire que le rapport légal des monnaies en France, on verrait se produire le phénomène inverse de celui que nous venons d’indiquer : la monnaie d’or fuirait de France en Angleterre, et l’argent affluerait d’Angleterre en France.

Ainsi, selon que le rapport de l’argent à l’or dans les pays monométallismes sera plus grand ou plus petit que le rapport légal des monnaies dans les pays bimétallistes, ceux-ci perdront soit leur monnaie d’argent, soit leur monnaie d’or — à moins, toutefois, que le rapport légal ne soit pas respecté dans les transactions, et qu’une prime ne s’établisse en faveur de celle des monnaies dont la matière, sur le marché, se trouve valoir plus, relativement à celle de l’autre monnaie, que ce rapport légal ne voudrait —. El l’histoire nous offre des illustrations nombreuses de cette loi. Lorsque la découverte des mines de la Californie et de l’Australie, au milieu du xixc siècle, eut fait baisser la valeur de l’or, on vit, bien que le rapport de l’or à l’argent se tînt très près du rapport légal des monnaies, la monnaie d’argent se faire rare en France ; vingt ans plus tard » la production de l’or diminuait, cependant que celle de l’argent s’accroissait dans de grandes proportions ; et le rapport de l’argent à l’or tombant au-dessous du rapport légal 1 à 15, 5, c’était la monnaie d’or qui commençait a s’en aller de chez nous (1).

Cette alternance à laquelle les pays bimétallistes sont condamnés quand il y a à côté d’eux des pays monométallistes — tantôt n’ayant que de la monnaie d’or, tantôt n’ayant que de la monnaie d’argent — est regardée généralement comme extrêmement fâcheuse. Et elle peut être, en effet, très fâcheuse.

1° On aperçoit tout de suite la très grande gêne qui peut résulter pour les affaires du fait qu’on n’a que de l’argent, et plus encore — car l’or peut être sans incommodité remplacé par du papier — du fait qu’on n’a que de l’or pour effectuer les paiements.


Un tableau intéressant à consulter est celui des monnaies frappées en France au cours du xixc siècle (voir l’Annuaire statistique, pp. 53"-54’). Ce tableau nous apprend que dans la période 1825-1848 — période pendant laquelle le rapport de l’argent à l’or s’est tenu légèrement au-dessous du rapport légal — il a été frappé pour 26S millions de monnaies d’or et pour 2.380 millions de monnaies d’argent, et que dans la période 1851-1857 — pendant laquelle on a constaté le phénomène inverse — il a été frappé pour 5.807 millions d’or et pour 383 millions d’argent.