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La confiance qu’on fait aux monnaies fiduciaires peut avoir des origines diverses.

1° Elle peut avoir sa source dans le fait même que ces monnaies circulent. Ce cas se remarque de la manière la plus nette quand on étudie la circulation monétaire de certaines peuplades peu avancées[1]. Dans les premiers temps delà monnaie, comme nous l’avons vu, les biens qui ont servi comme intermédiaires pour les échanges ont été reçus en paiement à cause de leur utilité intrinsèque. Mais une fois l’usage établi d’employer ces biens comme monnaie, ils ont pu continuer à circuler sans que l’on pensât plus à celle utilité intrinsèque, simplement parce qu’on était habitué à les voir circuler. Dans bien des pays, des espèces étrangères, ayant réussi à s’introduire une fois, sont devenues la monnaie courante, et l’on n’a plus voulu dès lors en recevoir d’autre, ou l’on a conservé pour ces espèces une préférence qui ne s’explique que par la force de la tradition. Les Athéniens furent empêchés pendant très longtemps de changer le type de leurs monnaies, bien qu’il fût devenu par trop archaïque, parce qu’ils n’eussent pu le changer sans entraver leur commerce avec certaines populations barbares. À un certain moment de l’histoire romaine, des faux-monnayeurs ayant fabriqué des deniers « fourrés », on prit l’habitude de faire des entailles dans les monnaies pour s’assurer si elles étaient bonnes ; il arriva, en suite de cela, que certaines tribus germaines s’accoutumèrent à ces pièces entaillées, si bien que le gouvernement romain dut en venir à en émettre de pareilles. Aujourd’hui, on frappe encore des thalers à l’effigie de Marie-Thérèse, à l’usage de certaines régions de l’Afrique du Nord.

2° L’accoutumance à une monnaie dispose les gens à recevoir celle-ci dans les pays où l’esprit traditionnaliste domine. Mais c’est d’une autre manière encore qu’une monnaie fiduciaire peut se faire recevoir pour cette raison qu’elle circule. Quand une monnaie fiduciaire a circulé un certain temps sans que personne en ait subi de dommage, on se persuadera qu’on ne court pas de risque à l’accepter. Ici il s’agit, on le voit, d’une confiance non plus instinctive — si l’on peut employer ce mot — comme était celle de tantôt, mais raisonnée.

3° La confiance dans les monnaies fiduciaires, enfin, peut se fonder sur l’assurance que l’on a que ces monnaies ne subiront pas de dépréciation, en raison des garanties qui en entourent la circulation ; ou encore, si on n’accepte les monnaies fiduciaires que pour une valeur inférieure à leur valeur nominale, la confiance partielle qu’on leur fera se fondera sur une estimation de la valeur pour laquelle on pourra les donner en paiement, et des risques que celle opération comporte.

  1. Cf. Jevons, La monnaie, chap. 8, pp. 65-67.