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seigne aucunement comment nous devons mesurer l’utilité des biens. Mais ce n’est pas tout. S’agit-il des variations de la valeur ? que ces variations doivent se faire dans le même sens que celles de l’utilité et de la rareté, il y a lieu de l’admettre ; mais comment la valeur sera-t-elle modifiée par telle variation de l’utilité ou de la rareté, c’est ce qu’on ne nous apprend pas d’une manière exacte.

Voici maintenant une autre critique ; elle s’adresse, d’ailleurs, à la théorie de l’offre et de la demande tout autant qu’à celle de l’utilité et de la rareté, et ce que nous allons dire de la rareté pourrait être dit tout aussi bien de l’offre. La rareté est quelque chose qui dans un moment donné se présente comme déterminé : dans un moment donné, il y a de chaque sorte de biens une certaine quantité. Mais par rapport au futur, la quantité des biens, le plus souvent, n’est pas déterminée ; la plupart des biens étant produits par l’homme, on en pourra produire plus ou moins ; et la quantité qui en sera produite dépendra, entre autres choses, de la valeur que les producteurs peuvent espérer que ces biens auront. La théorie de l’utilité et de la rareté par suite, ne nous permettant pas de prévoir dans quelle mesure les biens seront rares, ne nous permettrait pas — quand même par ailleurs elle serait satisfaisante — de prévoir quelle valeur ils auront. Et pour ce qui est du présent, prenant la rareté des biens comme quelque chose de donné, et ne nous fournissant point de lumière sur ce qui a déterminé le degré de cette rareté, elle ne saurait nous fournir des faits qu’une explication très incomplète.

3° C’est à approfondir la notion de la rareté, peut-on dire, — ou encore celle de l’offre — que se sont appliqués ceux des économistes classiques qui n’ont pas voulu s’en tenir, sur la question de la valeur, à des vues toutes superficielles. Ainsi s’est constituée, notamment, cette théorie qui ramène la valeur au coût de production, théorie que Ricardo le premier a exposée d’une façon rigoureuse[1].

Ricardo a considéré spécialement ces biens dont l’industrie humaine peut augmenter la quantité : il a négligé ceux que nous ne pouvons pas multiplier à volonté, lesquels ne représentent, pour lui, que des exceptions. C’est des premiers biens qu’il dit que la valeur s’en détermine par ce qu’ils coûtent à produire ; du moins en sera-t-il ainsi de la valeur, du prix naturel ou normal : mais si le prix réel peut s’écarter momentanément de ce prix normal, toujours il tendra vers lui. Imaginons qu’à un moment donné un bien, pour une raison ou pour une autre — par suite, par exemple, d’un changement de mode qui le fait demander davantage — se vende plus cher que le prix normal : le gain des producteurs de ce bien se trouvant par là être plus fort que celui des autres producteurs, on se

  1. Voir ses Principes, chap. 1.