Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/52

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toute variation de la quantité du numéraire modifiera les prix, sans pouvoir dire non plus dans quelle mesure telle variation de la quantité du numéraire fera varier les prix, ni si elle les fera varier tous également. Mais rares sont les vérités générales, même aussi peu précises que la précédente, que l’étude des statistiques nous permettra d’énoncer avec certitude, ou avec une probabilité assez forte.

En définitive, les résultats auxquels on peut prétendre arriver, en fait de généralisation scientifique, par l’emploi du seul procédé de l’induction, ces résultats, dans l’économique, ne sauraient être que minces. Et la raison en est tout d’abord, comme il est apparu dans ce qui précède, que les phénomènes économiques présentent un haut degré de complexité. Ils sont plus complexes que les phénomènes dont s’occupent le physicien, le chimiste et le biologiste. Et par-dessus le marché ceux-ci peuvent instituer, pour toutes ou pour presque toutes les questions qui se posent devant eux, des expérimentations : ils peuvent, en introduisant, en faisant disparaître ou en faisant varier les phénomènes antécédents ou concomitants des phénomènes qu’ils étudient, soumettre les hypothèses qu’ils ont conçues à des épreuves décisives. L’économiste, lui, en est réduit presque toujours à attendre que les faits réalisent d’eux-mêmes ces conditions spéciales qui seules permettent de fonder sur eux des inductions.

Mais ce n’est pas tout. Prenons ces lois économiques que l’induction permet de formuler ; supposons, contrairement à ce qui est, que ces lois puissent être tenues pour certaines et pour vraiment universelles. Il resterait encore que ces lois inductives, pour la plupart, n’expliqueraient pas les faits de la manière la plus satisfaisante possible.

Il y a ici une distinction importante à établir entre les lois économiques et les lois du monde physique. On constate que la quinine coupe la fièvre paludéenne : pour rendre compte de ce fait, on devra étudier les phénomènes chimiques ou autres que l’absorption de la quinine provoque chez le fiévreux ; mais au bout de l’analyse progressive dans laquelle on s’engage ainsi, on n’aura jamais que des vérités qu’il faudra accepter parce que l’expérience extérieure nous les impose. L’analyse des faits économiques, au contraire, doit aboutir toujours à des faits de conscience, à des sentiments et à des volitions — ce que faisant, au reste, elle procurera à notre esprit une satisfaction d’un genre spécial, et supérieure —. Mettons donc qu’on ait établi, par l’induction, qu’une frappe plus abondante de numéraire cause une hausse des prix. S’il en est vraiment ainsi, c’est en suite de phénomènes qui se produisent dans la conscience des membres de la collectivité intéressée, ou d’un certain nombre d’entre eux. Il doit être possible, dès lors, de développer tout cet enchaînement de causes et d’effets où ces phénomènes psychologiques prennent place ; et cela étant possible, il est du devoir de l’économique de le faire. Mais l’induction n’y suf-