Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/527

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tées pour chacun des prix qui peuvent s’établir : on aurait ainsi, par exemple, pour le prix de 100 francs, une unité achetée, pour le prix de 98 francs, 2 unités, etc.

Ces deux façons de tracer la courbe de la demande ne reviennent pas nécessairement au même. La raison en est que dans certains cas la valeur d’usage n’est pas quelque chose qui existe par soi, que cette valeur d’usage, parfois, dépend du prix auquel les biens se vendent, et de la quantité qui on existe. Considérons, par exemple, ces biens qui servent principalement à satisfaire la vanité : si d’une certaine espèce de ces biens il n’existe que 10 exemplaires, la valeur d’usage du 10e exemplaire sera de 1.000 francs ; que l’on fasse le nombre des exemplaires beaucoup plus grand, et la valeur d’usage du 10e exemplaire — les exemplaires étant rangés toujours dans l’ordre des valeurs d’usage décroissantes — pourra être plus faible que tantôt[1]. Et voici encore un cas que l’on peut concevoir. Supposons que le prix d’une denrée nécessaire, et à l’achat de laquelle un grand nombre de gens consacrent une partie notable de leurs ressources — du pain par exemple — vienne à s’élever d’une manière sensible. Obligés de payer leur pain plus cher, les consommateurs, après en avoir acheté une certaine quantité, se trouveront avoir beaucoup moins d’argent pour acheter d’autres denrées ; et comme le pain, même à un prix exceptionnellement élevé, demeure malgré tout un aliment relativement bon marché, la cherté du pain pourra avoir cette conséquence d’augmenter sa valeur d’usage, pour une partie de la série que forment les unités successives[2].

Ainsi, il peut y avoir à côté de la courbe de la demande proprement dite — c’est celle que l’on obtient par la deuxième des méthodes indiquées plus haut — des courbes multiples des valeurs d’usage. Et ceci nous con duit à rectifier une assertion émise plus haut. Reportons-nous à la dernière figure ; la demande y étant représentée parla courbe CD, nous disions que pour un prix MP les bénéfices des acheteurs étaient mesurés parla superficie du triangle curviligne CEP. Mais il peut se faire, par exemple, qu’au prix AIP un certain nombre des unités vendues aient pour les acheteurs une valeur d’usage moindre qu’avec un prix plus élevé : et alors c’est la superficie de C’EP, non point de CEP, qui mesurera le total des bénéfices des acheteurs.

297. La courbe de la demande. — La courbe de la demande, normalement, est ainsi faite qu’à un abaissement du prix correspond toujours un accroissement de la demande effective, ou que du moins la demande effective ne diminue pas quand le prix s’abaisse ; et l’inverse est également vrai. On exprime cela, dans le langage de la géométrie, en disant que la courbe de la demande ne coupe pas deux fois une même verticale. Mais cette

  1. Cf. Gunynghame, Geometrical political economy, chap. 6, pp. 62 sqq.
  2. Cf. Marshall, Principles, liv. III, chap. 6, § 4 (trad. fr., t. I).