Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/563

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d’une monnaie métallique unique ; mais prenons en considération ce fait, que nous avons voulu ignorer jusqu’à présent, que les métaux avec les quels on fabrique la monnaie — l’or, par exemple — ont une utilité intrinsèque, qu’ils sont employés dans l’industrie. Quelle influence ce fait a-t-il sur la valeur de la monnaie — en supposant, bien entendu, que la frappe soit libre ; car autrement, il est manifeste que la question n’existe pas — ? Pour le savoir, il faut examiner comment le métal précieux se répartira entre ses deux emplois, l’emploi monétaire et l’emploi industriel.

Quand on cherche à s’expliquer la manière dont cette répartition s’opère, à déterminer les conditions de l’équilibre qui doit s’établir ici, on commet quelquefois la faute — parce qu’on ne s’efforce pas suffisamment de se représenter l’enchaînement réel des phénomènes — de poser des équations, de se servir de formules qui ne présentent point de sens : c’est ainsi qu’on se laissera aller à parler de l’égalité qui doit exister — pour que l’équilibre s’établisse — entre la valeur ou le prix de l’or monnayé et la valeur ou le prix de l’or en lingots, oubliant que l’or monnayé et l’or en lingots, si l’on néglige cette différence qui résulte des frais du monnayage, doivent nécessairement avoir la même valeur, et que s’il y a, aujourd’hui, une cote de l’or, c’est uniquement à cause des échanges qui se font de l’or avec la monnaie de banque.

Quelles sont donc les conditions de l’équilibre entre les deux emplois de l’or ? Cet équilibre existera dès lors que personne n’aura intérêt à fondre des objets d’or pour en faire monnayer le métal, ou à faire l’opération inverse, en d’autres termes, dès lors que la valeur d’usage marginale de l’or industriel sera supérieure à la valeur d’échange de la monnaie d’or, diminuée des frais de fabrication de cette monnaie, et que d’autre part la valeur d’échange de la monnaie d’or sera supérieure à la valeur d’usage marginale de l’or industriel, diminuée des frais de fabrication afférents. Noire équilibre dépend, par conséquent, d’une part de la courbe que dessine la valeur d’échange de l’or comme monnaie, lorsque la quantité en varie, et d’autre part de la courbe que dessine la valeur d’usage de l’or considéré dans son emploi industriel. Et ces deux courbes nous apparaissent comme indépendantes l’une de l’autre : la courbe de la valeur d’échange de la monnaie est déterminée par les facteurs que nous connaissons, et n’est aucunement influencée par la valeur d’usage du métal dont la monnaie est faite ; et la courbe de la valeur d’usage de l’or industriel se détermine comme la courbe de la valeur d’usage des autres marchandises, sans que la valeur de la monnaie exerce aucune influence sur elle. Peut-être, à la vérité, pourrait-on émettre un doute sur l’exactitude de la dernière proposition. Il faut se rappeler, en effet, que l’or industriel sert à satisfaire principalement des besoins de vanité : dès lors il n’est pas interdit de supposer que, la valeur effective de l’or étant accrue par le fait qu’il est employé comme monnaie,