Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/58

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Ces assimilations, au reste, qui ont entraîné les économistes déductifs dans tant d’erreurs, et dans des erreurs si graves, on n’a pu les faire que parce qu’on a oublié que les phénomènes économiques ont toujours une origine psychologique, parce qu’on a négligé de rechercher, en remontant jusqu’à cette origine, comment ils peuvent se produire. La monnaie intervient dans les échanges, comme y interviennent les marchandises : mais peut-être joue-t-elle dans les échanges un rôle tout spécial. On prétend qu’une augmentation du numéraire fait hausser les prix : il faut que l’on nous montre comment cette conséquence sera amenée, quel est l’enchaînement de faits qui y conduira ; il faut que l’on nous dise, puisqu’enfin les prix résultent d’une certaine manière des prétentions et des appréciations des vendeurs et des acheteurs, où et pourquoi les vendeurs et les acheteurs modifieront leurs prétentions et leurs appréciations. On veut que toute importation d’un pays doive et puisse être payée par une exportation égale : qu’on analyse donc un peu la réalité que cette proposition entend exprimer, et que l’on établisse qu’en suite de l’achat de marchandises étrangères par certains habitants d’un pays, certains producteurs de ce pays trouveront leur intérêt à exporter des marchandises pour une valeur égale[1].

6° Les erreurs signalées dans les deux paragraphes précédents peuvent être regardées comme résultant de raisonnements vicieux. Il y a beaucoup d’autres sortes de paralogismes de la déduction. Les traités de logique les indiquent, et l’étude de la littérature économique n’en fournit que trop d’illustrations. Il nous sera permis de ne pas nous y arrêter.

Au total, le maniement de la déduction dans l’économique apparaît comme très périlleux. Mais pour être périlleux, ce mode d’investigation n’en demeure pas moins le plus fécond. Les résultats obtenus par la déduction demandent — l’histoire de l’économique en témoigne — à être perpétuellement complétés et rectifiés. Mais vouloir les rejeter complètement, parce qu’ils ne sont pas parfaitement satisfaisants, et prétendre interdire l’emploi de la déduction, c’est tout simplement vouloir renoncer à constituer une science économique tant soit peu complète, et vraiment explicative des faits.

22. Le raisonnement mathématique. — L’étude du rôle de la déduction dans l’économique nous amène naturellement à parler du secours que cette science peut recevoir de l’emploi du raisonnement mathématique : le raisonnement mathématique, en effet, n’est qu’une des formes de la déduction.

Le traitement mathématique des questions économiques répugne à beau-

  1. Cf. Nogaro, Le rôle de la monnaie dans le commerce international, Paris, Giard et Brière, 1904, passim.