Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/590

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de la rente dans l’intérêt : comme nous aurons à le montrer plus tard, ce n’est qu’à la marge de la capitalisation que l’intérêt est tout entier nécessaire pour déterminer la constitution des capitaux : et ainsi une partie plus ou moins grande de l’intérêt est un gain gratuit du capitaliste. On trou vera de la rente dans le salaire. Le salaire est la rémunération du travail, dit-on. Mais prenons un homme qui n’ait pas d’autre revenu que son salaire, et supposons qu’à cet homme on enlève la moitié, les 3/4, les 4/5 de son salaire : croit-on qu’il cessera pour cela de travailler ? il sera de son avantage de travailler, même alors qu’on ne lui laisserait de son gain que ce qu’il faut pour acheter un morceau de pain et ne pas mourir de faim. Et ainsi l’on pourrait dire que pour tous ces travailleurs qui ne pos sèdent rien que leur force de travail, la presque totalité du salaire est un revenu gratuit. Et le profit tout entier, souvent du moins, sera une rente : car souvent l’entrepreneur, pour employer ses capitaux et travailler comme il fait, à son compte, n’aurait pas besoin d’obtenir des revenus plus forts que ceux qu’il obtiendrait s’il prêtait ses capitaux et s’il travaillait pour le compte d’un autre.

Ajoutons, maintenant, au caractère de la gratuité le deuxième des caractères indiqués plus haut. L’intérêt, alors, cessera de se confondre avec la rente comme il faisait tantôt, tout au moins d’une manière partielle. La rente, avons-nous dit, est le revenu de biens qui ne sont pas fongibles, et elle se détermine pour chacun de ces biens par les qualités qui leur sont particulières. Il en sera autrement de l’intérêt, si du moins on rapporte celui-ci, non pas à ces biens spécifiés qui le produisent, mais au capital envisagé dans son essence. Essentiellement en effet le capital, nous le savons, c’est un bien abstrait, c’est une valeur avec laquelle on pourrait obtenir tout de suite, par la consommation directe ou par l’échange, une augmentation de son bien-être, et dont on préfère se servir pour obtenir plus tard une augmentation supérieure de ce bien-être. Mais le capital étant cela, l’intérêt ne se déterminera pas d’une manière spéciale pour chaque opération capitalistique : car il y aura une fongibilité parfaite des capitaux, d’où il résultera que tous les capitaux devront rapporter le même intérêt. Objectera-t-on que, lorsqu’une partie de l’intérêt du capital constitue pour le capitaliste un revenu gratuit, la grandeur de cette partie dépend de circonstances particulières, et qu’ainsi cette portion de l’intérêt qui est gratuite est bien semblable à la rente foncière ? Il ne faut pas se laisser tromper par une simple analogie. Les circonstances particulières qui font plus ou moins grande la portion gratuite de l’intérêt sont d’ordre subjectif : elles se rapportent, non pas au capital — comme se rapportent à la terre celles qui donnent naissance à la rente foncière —, mais au capitaliste. Il y a ici quelque chose qui est indépendant du phénomène de l’intérêt, qui lui est en quelque sorte postérieur. C’est l’intérêt — l’intérêt