Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/60

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2o On pourra formuler en langage mathématique certaines vérités générales de l’économique, indiquer de cette manière l’influence de tel facteur sur tel autre phénomène. Mais ces formules ne permettront pas, le plus souvent, de calculer les déterminations quantitatives de la réalité concrète. Un monopoleur ne peut pas calculer de combien la vente de son produit s’élèvera s’il abaisse ses prix de tant : il lui faudrait pour cela connaître et l’intensité avec laquelle ce produit est désiré par ceux qui présentement ne peuvent pas l’acheter, et les ressources dont ils disposent ; or ce sont là des choses qu’il ne peut pas connaître exactement.

3o C’est une erreur grave de croire que l’emploi des mathématiques permette, en économique, d’arriver à des vérités qu’on ne pourrait absolument pas atteindre autrement. Cette erreur, Walras entre autres y est tombé. Certaines théories économiques, d’après lui, pourraient être exposées dans le langage ordinaire ; mais la démonstration devrait s’en faire mathématiquement[1]. Une telle affirmation implique la croyance à on ne sait quelle vertu mystérieuse que les mathématiques posséderaient. À la vérité, les mathématiques ne possèdent aucune vertu pareille : car elles n’ont rien de propre qu’un langage spécial qui est particulièrement commode pour raisonner sur les quantités.

Arrêtons-nous un instant sur cette idée, qui est très importante, et faisons-en l’application à l’économique. Celle-ci, dans ses spéculations, est obligée de prendre en considération des phénomènes quantitatifs. Pour raisonner sur ces phénomènes, plusieurs langages sont à sa disposition.

1o Elle peut premièrement se servir du langage courant : c’est le seul dont se servent le plus grand nombre des économistes. S’agit-il, par exemple, de la détermination du prix d’une denrée sur le marché ? On dira qu’un prix s’établit au-dessous duquel le dernier des vendeurs effectifs ne voudrait pas descendre, et au-dessus duquel le dernier des acheteurs effectifs ne voudrait pas monter, la quantité des unités vendues étant égale à celle des unités achetées.

2o On peut, en second lieu, se servir ici d’illustrations arithmétiques : on dressera deux séries imaginaires de chiffres représentant, l’une, les prix au-dessous desquels chacun des vendeurs éventuels ne voudrait pas descendre, l’autre, les prix au-dessus desquels chacun des acheteurs éventuels ne voudrait pas monter ; et on montrera quelle quantité d’unités, ces séries étant données, seront vendues, et à quel prix. Ce procédé d’exposition — ou, si l’on veut, de démonstration — est celui dont se servent certains auteurs de l’école autrichienne, Böhm-Bawerk par exemple.

3o Un troisième mode d’exposition est celui qui recourt, non plus aux séries de chiffres, mais aux courbes. On trace une courbe imaginaire de

  1. Éléments d’économie politique pure, p. xiv.