Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/602

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Elle est la plus importante, d’autre part, pour la recherche scientifique : c’est elle que l’on a étudiée la première, et c’est elle — en raison de la complication particulière des phénomènes qui s’y rattachent — dont l’étude est aujourd’hui encore la plus instructive pour qui veut construire la théorie de la rente en général.

346. Ce qui détermine les rentes des terres. — L’expérience la plus familière nous apprend qu’il y a une rente agricole différentielle. Les différences, au reste, qui peuvent exister entre les revenus des terres varieront beaucoup d’une région à l’autre. Il y a des régions où l’uniformité des conditions géologiques, la densité uniforme de la population, l’abondance des moyens de communication ont ce résultat que les terres donnent toutes à peu près le même revenu. Ailleurs, au contraire, on aura de grandes inégalités. Mais y a-t-il une rente agricole absolue ? Si l’on considère isolément telle ou telle contrée, on donnera à cette question tantôt une réponse affirmative, tantôt une réponse négative. Dans certaines contrées, toutes les terres donnent une rente plus ou moins forte. Dans d’autres, on verra des terres qui produiront tout juste de quoi couvrir les frais d’exploitation. Dans ces dernières, il n’y aura pas de rente absolue ; mais peut-être alors faut-il conclure qu’il n’en existe nulle part : car la concurrence mettant en rapports, aujourd’hui, tous les pays, il ne saurait être tout à fait légitime d’en considérer un séparément : on s’interdirait par là de comprendre complètement ce qui s’y passe.

Nous avons fait tout à l’heure, en passant, une allusion aux causes qui créent des différences entre les terres, en ce qui concerne leur rendement ou leurs rentes. Parmi les facteurs qui décident de la rente des terres con sacrées à l’agriculture, il y a lieu de citer en premier lieu leur fertilité. C’est de la considération de l’inégale fertilité des terres que Ricardo a tiré sa théorie fameuse de la rente différentielle[1]. La théorie de Ricardo, cependant, a été critiquée vivement par Carey[2]. Carey, se fondant sur des faits qu’il avait pu observer en divers pays, et notamment aux États-Unis, a soutenu que la rente ne variait pas dans le même sens que la fertilité des terres ; et il a invoqué cet argument que les premières terres exploitées étaient des terres relativement infertiles, que plus tard seulement, avec l’augmentation de la population et l’extension de la culture, on entreprenait de mettre en valeur des terres plus fécondes. Les assertions de Carey se vérifient — encore n’est-ce que dans une certaine mesure — pour les pays neufs, ou pour certains pays économiquement arriérés ; elles cessent complètement d’être vraies pour les pays peuplés, et d’un développement économique avancé. Pourquoi d’ailleurs est-il arrivé aux États-Unis, par

  1. Voir ses Principes, chap. 2.
  2. Voir les Principes de la science sociale, chap. 4-5 et 42.