Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/728

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terre qui est nécessaire pour assurer l’alimentation des hommes, le chiffre auquel la population ouvrière pourrait être porté sera moindre qu’il ne serait autrement. Mais il arrivera souvent — et c’est notamment le cas aujourd’hui — que la population ouvrière soit inférieure à ce maximum auquel elle pourrait être portée. Ce qui le prouve, c’est qu’aujourd’hui, par exemple, la population ouvrière va augmentant.

En somme, la théorie d’Effertz nous apprend ce qui résulterait des consommations, des goûts des possédants si la population ouvrière était si nombreuse, si les salaires étaient si bas qu’une variation dans ces goûts pût avoir pour effet de faire descendre ces salaires au-dessous du minimum d’existence. Elle ne nous enseigne pas — ou du moins elle ne nous enseigne pas directement — ce qui résulte dans les circonstances ordinaires, ce qui résulte aujourd’hui de la direction des goûts. Cette théorie, toutefois, nous invite h nous poser le problème qui nous préoccupe en ce moment, et elle nous fournit, dans la distinction des biens qui coûtent de la terre et des biens qui coûtent du travail, la clef qui nous permettra de le résoudre.

Supposons une société où les consommateurs apprécient très vivement, d’une manière générale, les biens dont la production exige relativement beaucoup de terre et peu de travail, et fassent peu de cas, en revanche, des biens qui coûtent relativement peu de terre et beaucoup de travail ; imaginons, par exemple, qu’il y ait beaucoup de gens pour aimer passionné ment la chasse. Dans ces conditions, il arrivera que les travailleurs ne pourront avoir qu’un salaire relativement bas. La valeur des biens qu’ils peuvent créer, en effet, dépend de la demande qui en sera faite — notons d’ailleurs que dans la détermination de la courbe de cette demande, les possédants joueront un rôle prépondérant ; les travailleurs, même, ne se ront admis à figurer dans la demande qu’autant qu’ils se seront assuré un salaire ; ils n’y joueront un rôle, par conséquent, que dans la mesure où les biens qu’ils peuvent créer auront un prix suffisant pour les possédants —. Si donc les biens que crée le travail sont peu appréciés, les travailleurs, vendant la force de travail qui sert à produire ces biens, obtiendront un salaire avec lequel ils ne pourront acheter, relativement, que peu de biens, soit d’ailleurs qu’il s’agisse de ces biens qui coûtent de la terre, soit qu’il s’agisse de ces biens qui coûtent du travail. Que si, au contraire, les biens qui coûtent beaucoup de travail sont très estimés, alors les travailleurs recevront, en échange de leur force de travail, une quantité plus grande soit de ces biens qui coûtent de la terre, soit encore des autres.

Nous venons d’indiquer quelle sera l’influence des goûts des consommateurs sur le salaire. Ces goûts peuvent varier, d’un pays à l’autre, d’une époque à une autre époque, même indépendamment de toute autre variation. Il y a des pays, par exemple, où l’on aimera davantage la chasse,