Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/78

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comporter une satisfaction complète : le désir de s’enrichir notamment, soit d’ailleurs que ce désir corresponde au besoin de surpasser les autres, soit qu’il nous fasse poursuivre la richesse pour elle-même. Ces désirs sont infinis — pour le moins pratiquement — : à supposer qu’il y ait ici un point où l’homme doive trouver la satiété, ce point se trouve placé au delà de tout ce que nos efforts nous permettent d’atteindre. Et il s’en trouve de tels chez la plupart d’entre nous : celui qui s’arrête dans la poursuite de la richesse, celui-là le fait, communément, parce qu’il y a quelque chose qui lui paraît mériter plus que la richesse d’être poursuivi, ou bien encore parce que ce qu’il pourrait acquérir de richesse par des efforts supplémentaires ne paie point, à ses yeux, ces efforts.

Est-il nécessaire de montrer de combien de conséquence est ce fait de la multiplication et du raffinement croissant des besoins ? À mesure qu’il a plus de besoins — nous adopterons cette expression familière, à cause de sa commodité —, l’homme déploie une activité économique plus intense. Si les peuples du Nord travaillent plus que ceux du Midi, ce n’est pas seulement parce que ceux-ci sont portés à la paresse par l’influence de la chaleur, ou parce que le climat de leur pays leur permet d’occuper agréablement les loisirs qu’ils se donnent : c’est tout d’abord parce que dans les pays froids on a besoin de se nourrir, de se chauffer, de se vêtir davantage. Et l’on a invoqué souvent avec raison, pour expliquer l’activité si grande des Anglais, ce besoin de confort qui, étant plus développé chez eux que partout ailleurs, les oblige à travailler plus et à produire plus que l’on ne fait dans les autres pays.

Mais l’augmentation des besoins conduit-elle à un accroissement du bonheur ? C’est là une question très controversée. Les uns tiennent que cette intensification, cette complication croissante de la vie à laquelle l’augmentation de nos besoins correspond nous fait plus heureux. D’autres au contraire aiment à développer ce thème que moins on a de besoins, plus on est heureux, et ils regrettent que l’humanité s’éloigne de plus en plus de la simplicité des temps primitifs.

Cette question, comme tant d’autres, ne peut être résolue que moyennant des distinctions.

L’augmentation des besoins représente une diminution de bonheur quand elle résulte de ce que nous avons appris à connaître une douleur nouvelle, ou de ce que nous sentons plus vivement les peines déjà connues. Et il en est de même quand cette augmentation résulte de la formation de besoins factices — on appelle ainsi ces besoins dont la satisfaction ne nous cause point de plaisir, mais qu’il nous faut satisfaire sous peine de souffrir —. Comme exemple de besoins factices, on peut citer ceux qui naissent des exigences de l’opinion publique, ou de l’opinion de la classe sociale à laquelle nous appartenons ; et l’on peut citer encore ceux qui ont leur ori-