Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/212

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salité, la nécessité si on se met en quête d’un principe matériel ? Un principe matériel est un principe empirique, et Kant croyait que le seul principe de détermination que l’expérience nous fit connaître était l’amour de soi : en tout cas, un principe empirique ne nous fournira par les règles universelles auxquelles il faut aboutir, et surtout il ne fournira pas aux règles qu’on pourrait fonder sur lui la nécessité, laquelle n’appartient qu’aux lois connues à priori[1].

Mais surtout, si Kant a fait de son mieux pour s’enfermer dans un « moralisme », et dans un formalisme rigoureux, cela tient à l’importance qu’il attachait à l’idée de l’obligation. J’ai pu parler de l’analogie que Kant avait tenu à établir entre la morale et la science, telle qu’il la comprenait ; on pourrait parler aussi, et mieux encore peut-être, de l’influence de ses idées morales sur sa conception de la science. Kant croit fermement à l’obligation : les croyances traditionnelles, la morale religieuse dominent son esprit, façonné par une éducation piétiste ; ce goût pour l’abstraction que je signalais plus haut et qui le pousse à considérer toutes les idées dans leur pureté agit dans le même sens, lui fait voir dans le devoir quelque chose d’absolu. Et pour que le devoir conserve ce caractère, il est indispensable de ne pas le subordonner au bien ; il faut que la moralité soit séparée radicalement de la nature, qu’elle soit définie à priori ; il faut que l’on tire la formule de la loi morale de la seule considération du devoir, et de la raison, qui donne naissance à celui-ci.

  1. Pp. 16-17 ; cf. 1re partie, I, 1, scolie 2 du théorème 2 (pp. 41-42).