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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/256

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les hommes ont faites de tout temps et que résument les dictons de la sagesse populaire, les préceptes, mieux encore, que tant de moralistes nous ont laissés nous l’enseignent ; et il n’y a pas grand chose à attendre, sur ces divers points, des progrès futurs de la psychologie. Mais la physiologie nous fournira les moyens de prolonger notre existence, de nous affranchir de tant de maux qui l’empoisonnent ; elle nous dira — ce qui est de la plus haute importance — ce qu’il faut faire pour que notre organisme évolue vers un état qui nous rendrait plus aptes au bonheur. Et la sociologie nous dira de son côté quelles sont les transformations sociales qui diminueront le plus la somme effroyable de misère dont l’organisation actuelle de la société est accompagnée.

Grâce aux progrès des sciences, les applications du principe pratique suprême deviendront de plus en plus exactes. Toutefois, il ne convient pas de concevoir pour la morale une perfection vers laquelle elle tendrait, dont elle se rapprocherait toujours davantage, et qui demeurerait fixe. Par cela seul que cette réalité que la morale doit gouverner est sans cesse en évolution, on conçoit que pour chacun des instants de la durée il faudrait une morale distincte : ce que le principe de l’utilité générale, bien appliqué, voudrait que nous fissions aujourd’hui, ce même principe pourra ne plus nous engager à le faire dans dix ans ou dans vingt ans.

Il y a d’ailleurs contre l’idée d’une morale qui, dans sa perfection, demeurerait fixe, une objection plus décisive que la précédente. L’idée d’une morale fixe implique la croyance à des règles morales spéciales qui seraient susceptibles d’être appliquées à un nombre indéfini de cas singuliers. Or cette croyance est à rejeter.