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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/258

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à des règles spéciales universelles a contribué à provoquer ces attaques que l’on a récemment dirigées contre l’idée d’une morale « théorique » : quand M. Lévy-Bruhl représente que la nature humaine n’est pas toujours identique à elle-même[1], il a tort, si l’on entend que les variations qui se produisent dans notre nature ne permettent pas de trouver pour tous les hommes un même principe suprême de conduite ; mais il a rai son, si l’on entend que ces variations de notre nature ne permettent pas de poser des règles spéciales immuables ; et l’argument qu’il tire des conflits de devoirs, la remarque qu’il fait que ces conflits sont insolubles, cette remarque vaut à coup sûr contre ceux qui admettent des devoirs spéciaux absolus[2].

D’où vient donc la croyance qui nous occupe ? Elle vient en premier lieu de la morale traditionnelle : celle-ci ne part pas d’un principe de conduite suprême, elle énonce des commandements, des interdictions spéciales, et si elle réduit ensuite ces prescriptions à quelques formules plus vastes, elle n’opère pas, tant s’en faut, une unification complète.

Une deuxième source de cette croyance est l’analogie que beaucoup de philosophes ont voulu établir entre la morale et la science : il y a, pensent-ils, des lois morales universelles comme il y a des lois physiques universelles ; et si les lois morales parfois admettent des exceptions, c’est de la même manière que les lois physiques, c’est parce qu’une loi peut, dans certains cas, être empêchée d’agir par l’action contraire d’une autre loi[3].

  1. La morale et la science des mœurs, 3, § I.
  2. Voir 3, §2.
  3. Voir par exemple Wundt, Ethik, III, 4, § i c, pp. 546-547. M.