Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/63

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Les mêmes arguments par lesquels je viens de combattre les prétentions de la morale théologique valent aussi bien contre la morale métaphysique. C’est qu’à vrai dire celle-là n’est qu’une variété de celle-ci. La morale théologique part de ce fait, qu’elle tient pour donné, qu’il y a un Dieu, et que ce Dieu a formulé pour nous des commandements ; elle croit pouvoir tirer de ce fait l’obligation où nous serions de nous incliner devant les commandements divins, oubliant que le fondement de l’obligation — s’il faut employer ce mot — ne peut être qu’en nous. Remplaçons le fait de l’existence de Dieu et des prescriptions que celui-ci nous aurait dictées par quelque autre fait extérieur, par quelque conception relative aux destinées de l’univers, par la croyance à la prédominance du mal sur le bien ou du bien sur le mal dans le monde, et nous aurons ce qu’on appelle la morale métaphysique. De cette morale on ne peut que répéter ce qui a été déjà dit de la morale théologique, à savoir qu’elle doit — si tant est qu’il faille l’admettre — se cantonner dans le domaine des applications. La conviction où je serai arrivé qu’il y a ou qu’il n’y a pas de la finalité dans l’univers, que l’être est radicalement mauvais ou que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, la certitude, encore, que j’aurai acquise — à supposer qu’il y ait là matière à certitude — que l’âme est essentiellement distincte du corps, que cette âme est impérissable, que le temps est une illusion comme l’espace, que les « individus » ne sont séparés les uns des autres qu’en apparence, qu’une liberté nouménale se superpose au détermi-