Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mais supprime la possibilité de toute « morale théorique » ; comme si la « morale théorique » devait considérer autre chose, dans le moi, que ce que ce moi connaît de lui-même immédiatement, lorsqu’il examine quel principe général de conduite il doit adopter pour satisfaire la raison.

Parmi les moralistes contemporains qui n’ont pas su se défendre suffisamment de la métaphysique, deux des plus intéressants sont Guyau et M. Fouillée. Leur cas est curieux en ceci que, s’ils ont introduit dans leurs développements sur la morale — sur le fondement de la morale — des spéculations métaphysiques, ils ont vu par ailleurs, et ils ont dit clairement, que la morale, ou tout au moins la « morale théorique », était indépendante de la métaphysique.

Guyau, dans son Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction[1], commence par discuter ce qu’il nomme « la morale de la métaphysique réaliste », cette morale qui admet un bien en soi, et qui nous prescrit de nous conformer à la nature. Il se demande si l’on peut connaître « le fond des choses et le vrai sens de la nature, pour agir dans la même direction », si « la nature, scientifiquement considérée, [a] un sens » ; il examine l’hypothèse optimiste et l’hypothèse pessimiste[2]. Mais est-il besoin d’entreprendre ces recherches, de démontrer que ni l’optimisme ni le pessimisme ne sont certains ? Procéder ainsi, n’est-ce pas accorder que l’optimisme et le pessimisme métaphysiques, s’ils pouvaient être prouvés, conduiraient à des morales essentiellement différentes ? Ne convient-il pas plutôt,

  1. Paris, Alcan, 2e éd., 1890.
  2. Introd., 1.