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de zinc, l’acacia, le laurier-cerise, etc., sont autant de substances que l’on trouve dans le gin frelaté. Beaucoup de ces substances sont de véritables poisons ; qu’importe, pourvu que le gin ainsi adultéré acquiert l’odeur et la saveur du gin à l’état de pureté.

Posons maintenant en principe que le gin doit contenir de 40 à 60 par cent d’alcool absolu, 0.2 par cent de matières solides, 1 par cent de sucre ; pour calculer la quantité des acides libres on substitue à leurs différents poids celui de l’acide tartrique, et un once de gin doit alors contenir 0.2 grain d’acide libre. Ces chiffres sont donnés par des chimistes de renom, par des chimistes qui ont passé et qui passent encore une partie de leur vie entre les quatre murs d’un laboratoire, par des chimistes qui ont étudié à fond la question qui nous occupe actuellement. Ces chiffres admis, et qui refuserait de les admettre, passons à l’examen de l’échantillon de gin que je me suis procuré chez un épicier de la Haute-Ville. Vous connaissez déjà l’épicier, c’est le héros de mon anecdote ; je vais vous faire connaître maintenant la proportion de quelques-uns des composants de son gin, c’est le résultat de mon analyse.

Alcool 65.80
Matières solides 00.05
Sucre 0.0
Acides libres 0.0

Pas de sucre, comme vous le voyez ; patientons, le brandy nous en fournira plus que suffisamment. Pas d’acides libres et pourquoi y en aurait-il ? Il n’est pas donné à tout le monde de falsifier une boisson suivant les principes de l’art. Quant à la quantité d’alcool elle dépasse de 5.8 par cent la quantité maximum donnée par les chimistes qui ont eu à analyser différents échantillons de gin à l’état de pureté. Mais il y a là peut-être un avantage ; le gin est plus fort, en passant dans le gosier de l’individu il gratte mieux, comme on dit. Avouons que c’est tout de même un drôle d’avantage ; si avantage véritable il y a, c’est bien assurément pour celui qui vend la boisson et non pas pour celui qui l’achete. La quantité de matières solides n’est pas non plus la même dans le gin que j’ai analysé et dans le gin à l’état de pureté.

L’analyse chimique m’a fait découvrir de plus une substance vénéneuse dans le gin que je viens d’examiner ; cette substance c’est le laurier-cerise. Voici ce que dit Orfila à ce sujet : « L’eau-de-vie et les liqueurs de table peuvent être altérés par le laurier-cerise, qui n’est pas nuisible s’il y est en très-petite quantité mais qui peut occasionner des accidents graves lorsqu’il s’y trouve en assez forte proportion. » (Orfila