Page:Landry - Boissons alcooliques et leurs falsifications (1867).djvu/27

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nante, je pense que ce serait une injustice à faire aux falsificateurs que de supposer que seuls ils restent stationnaires dans l’entraînement universel. Eux rester stationnaires ? mais c’est la hideuse banqueroute qui devient leur partage ! Eux rester stationnaires ? mais Catilina est déjà aux portes de Rome. Non, non, Messieurs, vous n’êtes pas restés stationnaires : vous avez, je ne dirai pas marché, mais vous avez volé sur les ailes du progrès ; la vapeur vous a prêté l’appui de sa force et l’électricité vous a donné quelque chose de sa vitesse prodigieuse. Vous avez volé, oui, vous avez volé et faut-il le dire, vous volez encore ; mais c’est le public que vous volez maintenant. Vous n’en êtes pas surpris, n’est-ce pas ? la chose vous paraît bien naturelle ; eh ! l’ami, l’habitude n’est-ce pas aussi une seconde nature ? Pas de scrupules donc, je ne voudrais pas pour tout l’or du monde porter le trouble dans vos âmes si paisibles ; ce serait péché que de troubler la douce quiétude dans laquelle vous vivez. Je vous laisse donc en priant Dieu qu’il ait pitié de vous, et je livre au public les quelques détails suivants qui lui montreront où vous en êtes rendus dans ce soi-disant siècle de progrès.

Je cite :

« On débite des vins fabriqués en toutes pièces, et l’on vend quelquefois dans le commerce, sous le nom de vin, un liquide qui n’en renferme pas une goutte, et dans lequel on a imité, par voie synthétique, le résultat de la fermentation du suc de raisin, avec des eaux fermentées sur des corps sucrés, tels que sirops de fécules, fruits secs, sucre brut, etc., ou sur des baies de genièvre, des semences de coriandre, du pain de seigle sortant du four et coupé par morceaux. Après la fermentation on tire à clair ; et si la liqueur n’est pas suffisamment colorée, on y ajoute une infusion de betteraves rouges ou du fruit de la myrtille.

On a vendu comme vin un liquide fabriqué avec de l’eau, du vinaigre, du bois de campêche et du gros vin du Midi, sous lequel on dissimule la sophistication.

On falsifie les vins, en général, dans presque toutes les villes où les tarifs d’octroi, par leur élévation, offrent une prime à la cupidité. Des grandes cités populeuses et industrielles, comme centres de consommation, attirent surtout les spéculations de la fraude, et Paris, le marché régulateur de toute la France, est le lieu où la fabrication s’exerçant sur une plus grande échelle, produit, par sa coupable concurrence, les résultats les plus funestes.

C’est surtout aux époques telles que ces dernières années, où la maladie de la vigne a pris les proportions d’un véritable