Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/187

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plète de la notion de la pesanteur. Puis vinrent successivement Copernic, Kepler, Galilée avec les lois de la chute des corps ; alors seulement, tout fut prêt pour l’établissement d’une conception entièrement neuve.

Vers la fin du premier livre, Lucrèce émet brièvement l’idée grandiose, conçue par Empédocle, que la finalité de l’univers et en particulier des organismes n’est, il vrai dire, qu’un ras spécial de l’activité mécanique opérant à l’infini (65).

Si nous trouvons grandiose la téléologie d’Aristote, nous ne pouvons refuser cette épithète à la doctrine qui nie absolument la finalité. Il fallait ici mettre la dernière main à l’édifice de la conception matérialiste du monde ; il s’agissait d’une partie du système que les matérialistes modernes n’ont pas assez approfondie. Si l’idée de la finalité nous est plus familière que celle du mécanisme, c’est justement parce qu’elle revêt le caractère exclusif des conceptions humaines. Or nous débarrasser entièrement des idées étroites que, d’un point de vue tout humain, nous apportons dans l’explication des choses, cela peut nous causer beaucoup de peine ; mais le sentiment n’est pas un argument, il est tout au plus un principe heuristique, qui, en face de déductions rigoureusement logiques, nous aide peut-être à pressentir des solutions plus compréhensives, et certainement ces solutions ne viennent qu’après, jamais avant ces déductions. Car assurément, dit Lucrèce :


Nam certe neque concilio primordial rerum
Ordine se suo quæque sagaci mente locarunt
Nec ques quæque darent motus pepigere profecto.
Sed quia multa modis multis mutata per omne
Ex infinito vexantur percita plagis,
Omne genus motus et cætus experiundo
Tandem deveniunt in tales disposituras,
Qualibus hæc rerum consistit summa creata.
Et multos etiam magnos servata per annos,
Ut semel in motus conjecta est convenientes,