Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/144

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âme immatérielle, mais la pensée, qu’il avait, immanente en lui et inséparable de lui, d’une organisation morale de l’univers ; il plaçait dans le cerveau des penseurs théologiques un organe de la foi, comme condition nécessaire de la direction de leurs idées ; moi, de même, j’atteste que ce qui me force à nier l’immatérialité de l’âme, ce n’est ni la physiologie, ni le principe rationnel de l’exclusion du surnaturel, mais avant tout le sentiment du devoir envers l’ordre naturel de l’univers ; cet ordre me suffit. » « Une certaine composition chimique et physique de la matière cérébrale » pourrait être appropriée au besoin religieux, une autre au besoin athée. Le matérialisme et le système contraire naissent tous deux non de la science et de l’intelligence, mais de la foi et du tempérament moral (64).

Nous verrons encore plus d’une fois combien cette conception extrême renferme de vérités ; mais ici nous devons, avant tout, faire observer qu’évidemment elle sacrifie, sans aucune nécessité, le côté fort du matérialisme, par suite de la faiblesse et de l’insuffisance avec lesquelles Czolbe a compris les sciences physiques. Ce philosophe s’écarte de la ligne droite, dans un sens, pour le moins autant que Büchner s’en écarte dans un autre, en faisant preuve d’une excessive présomption et en confondant naïvement ce qui est vraisemblable avec ce qui est démontré. L’entendement n’est pas, dans ces questions, aussi neutre que Czolbe se le figure ; il conduit, au contraire, par la voie de l’induction à la vraisemblance suprême d’un ordre du monde strictement mécanique, à côté duquel l’idéalité transcendante ne peut être affirmée que dans un « deuxième monde ». Par contre, quand on admet un monde intelligible, on est encore loin d’avoir justifié toute explication, « théologique » ou « spiritualiste », de l’expérience. Ici, Czolbe n’était conséquent que dans l’inconséquence. Son antipathie pour Kant, dont le « monde intelligible » est en fait conciliable avec toutes les conséquences de l’étude