Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/168

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de même chez les autres ; mais, en vertu des lois de la science de la nature, nous ne pouvons connaître, soit dit une fois pour toutes, que les signes et les « conditions » de la pensée en dehors de nous, et non cette pensée elle-même. On peut donner à l’opinion qui sert de point de départ à Du Bois-Reymond l’expression la plus nette, je dirais la plus victorieuse, si l’on se représente deux mondes également remplis d’hommes et de leurs actions, le cours de l’histoire universelle étant le même, ainsi que l’expression des gestes et le son de la voix, — pour celui qui l’entendrait, c’est-à-dire non-seulement pourrait en conduire les vibrations par le nerf auditif jusqu’au cerveau, mais encore en avoir la conscience. Les deux mondes seraient absolument égaux, avec cette seule différence que, dans l’un, tout le mécanisme agirait comme les rouages d’un automate, sans aucune trace de sentiment ou de pensée, tandis que l’autre monde serait le nôtre ; la formule de l’univers resterait alors identiquement la même pour ces deux mondes. On ne pourrait les distinguer l’un de l’autre, au point de vue des recherches exactes.

Si nous ne croyons pas à l’un de ces deux mondes, c’est uniquement par l’effet Immédiat de notre conscience personnelle, intime, telle que chacun de nous ne la connaît que dans son for intérieur ; nous la reportons sur tout ce qui nous ressemble extérieurement. Mais nous confondons si étroitement la perception des signes extérieurs de la pensée et l’interprétation que notre conscience nous en donne par une habitude enracinée en nous depuis notre niissance, qu’il faut un penseur perspicace et exempt de préjugés pour séparer ces deux facteurs réunis.

Une question toute différente est celle de la relation de cause à effet entre les faits matériels et les états intellectuels qui se rattachent à ces faits. Du Bois-Reymond reconnaît formellement que, sous ce rapport, on peut professer l’entière dépendance du spirituel à l’égard du physique, sans