Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/180

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nature », dont il est ici question, ces barrières n’étant pas une puissance étrangère et ennemie qui se pose en face de nous, mais notre propre essence. Néanmoins si l’on s’obstine à tenter un dernier effort pour éliminer, d’une façon plus populaire, l’apparence d’un dualisme irréconciliable, on peut entrer dans la voie frayée, entre autres, par Zœllner, attribuer la sensation à la matière en soi et se figurer les processus mécaniques régulièrement et universellement combinés avec des phénomènes de sensation. Toutefois on ne devra jamais oublier que l’explication ainsi obtenue n’est point une donnée de la science de la nature, mais de la spéculation, et qu’elle recule seulement au lieu d’éliminer l’énigme capitale, l’incompréhensibilité du phénomène. — Pour avoir une autorité scientifique, il faudrait que cette théorie pût nous expliquer la naissance de la sensation humaine à l’aide des processus sensitifs des parties en mouvement il faudrait qu’elle pût nous l’expliquer au moins avec autant de clarté que la structure du corps-à l’aide de cellules ou la transformation du mouvement mécanique provenant du monde extérieur dans les états de notre système nerveux. Malgré cela, deux énigmes resteraient toujours à résoudre l’idée de force et de matière continuerait de présenter toutes les difficultés existant auparavant, augmentées d’une nouvelle plus grande encore. Il est vrai qu’un lien rattacherait la conscience à la matière, mais son unité par rapport à la multiplicité des sensations constituantes renfermerait en soi, au fond, la même incompréhensibilité que contenait auparavant la conscience, dans son rapport avec les vibrations des atomes cérébraux.

Au reste, il y a lieu de se demander si, dans le cas où une pareille théorie serait victorieusement démontrée, on n’en viendrait pas à rejeter complètement les atomes et leurs vibrations, comme on fait d’un échafaudage quand l’édifice est terminé. Le monde de la sensation, le seul donné, serait expliqué par ses propres éléments et n’aurait plus besoin