Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/19

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dérante que le philosophe de Kœnigsberg ne le nomme jamais sans un profond respect ; aussi devons-nous a priori exposer les relations de Kant avec le matérialisme, sous un point de vue dont généralement on ne veut pas tenir compte. Quelle que soit l’énergie avec laquelle Kant combat le matérialisme, ce g’rand esprit ne peut nullement être rangé au nombre de ceux qui ne savent prouver leur aptitude à la philosophie que par un mépris sans bornes pour ce système.

« La science de la nature, dit Kant dans ses prolégomènes, ne nous révélera jamais l’intérieur des choses, c’est-à-dire ce qui n’est pas phénomène, mais peut cependant devenir un principe supérieur d’explication du phénomène. D’ailleurs la science de la nature pas n’a pas besoin de principes de ce genre pour ses explications physiques ; bien plus, quand même on lui en offrirait de tels (par exemple l’influence de tels (par exemple l’influence d’êtres immatériels), elle devrait les repousser et ne pas les utiliser dans le cours de ses explications ; elle doit toujours fonder celles-ci sur ce qui peut appartenir à l’expérience, en tant qu’objet sensible, et être mis d’accord avec nos perceptions réelles, conformément aux lois de l’expérience (7). »

Kant, en un mot, reconnaît parfaitement deux conceptions du monde, le matérialisme et le scepticisme, comme préliminaires légitimes de sa philosophie critique ; toutes deux lui paraissent des erreurs, mais des erreurs nécessaires au développement de la science. Il avoue que le matérialisme, plus facile à comprendre, peut devenir pernicieux pour la masse du public, tandis que le scepticisme, à cause de ses difficultés, reste confiné dans les écoles ; mais, au point de vue purement scientifique, les deux systèmes lui paraissent dignes d’une égale attention ; si toutefois la balance devait pencher, ce serait en faveur du scepticisme. Il n’existe pas de système philosophique que Kant ne combatte plus vivement que les deux précités. L’idéalisme ordinaire, en particulier, est absolument opposé à l’idéalisme « transcendantal » de Kant. Tant que l’idéalisme ordinaire se borne à prouver