Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/31

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une stérile logomachie. S’il existe une sorte d’hypothèses, qui se distinguent de toutes les autres parce qu’elles s’imposent nécessairement à notre esprit, on ne gagne rien à dire, en généralisant, que cette nécessité est une hypothèse ; il s’agit bien plutôt de découvrir le principe intime de sa nature particulière. Mais on peut de plus ajouter ici une réflexion importante en ce qui concerne les rapports du monde des corps avec nos idées mathématiques. En effet il n’est pas même exact que nous fassions l’hypothèse qu’il y a des corps ou des choses, qui correspondent aux données des jugements mathématiques. Le mathématicien développe ses propositions par l’intuition des figures sans tenir compte des corps ; mais il est persuadé que jamais et nulle part l’expérience ne lui présentera un objet en désaccord avec ces propositions. Un objet extérieur peut ne correspondre complètement à aucune forme développée dans la mathématique : nous supposons alors que sa forme réelle est extraordinairement compliquée et peut-être variable, de sorte que nos simples conceptions mathématiques ne peuvent épuiser toute son essence. Mais nous supposons en même temps qu’il est déterminé avec une précision parfaite dans chaque parcelle de temps infiniment petite, d’après les mêmes lois mathématiques, dont nous ne constatons avec précision que les premiers éléments.

Enfin il s’agit du point capital de la discussion : de l’idée de la nécessité des jugements mathématiques et de l’origine de cette idée. Ici Mill se sent particulièrement fort de la possibilité de démontrer historiquement que, bien des fois déjà, on a déclaré absolument inimaginable une chose qui a été ensuite reconnue vraie, ou qu’à l’inverse, on a regardé comme nécessaire ce que l’on a reconnu plus tard être une erreur grossière. Mais c’est au contraire précisément ici que se trouve le point le plus faible de tout l’empirisme. En effet, dès qu’il est démontré que notre conscience de la nécessité de certaines notions correspond à l’idée que nous nous faisons