Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/316

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notre raison. Cependant, pour la science de la nature, cette téléologie « objective » ne peut jamais être autre chose qu’un principe heuristique elle n’explique rien, et, en dernière analyse, la science de la nature ne dépasse pas l’explication mécanique causale des choses. Si Kant croit que pour les organismes cette explication ne sera jamais complète, il ne faut nullement entendre cette opinion, qui du reste ne forme pas une portion nécessaire du système, en ce sens que l’explication mécanique de la nature puisse se heurter n’importe où, contre une limite fixe, au delà de laquelle apparaîtrait l’explication téléologique ; Kant ne se figure au contraire dans l’explication mécanique des organismes qu’un processus allant à l’infini, où il y aura toujours un reste insoluble, comme dans l’explication mécanique de l’univers. Mais cette vue de Kant n’entre pas en conflit avec le principe de l’investigation scientifique de la nature, encore que la plupart des naturalistes puissent être disposés à se faire, sur cette question, que l’expérience ne saurait résoudre, des idées différentes de celles de Kant.

C’est pour la même raison que la téléologie de Fechner est inattaquable au point de vue de la science de la nature. Il concilie, à l’aide du principe de la « tendance vers la stabilité » la causalité et la téléologie, en admettant que les lois générales de la nature elles-mêmes produisent nécessairement et peu à peu des êtres toujours plus parfaits, et en cela il trouve un ordre téléologique de l’univers, qu’il fait concorder plus loin avec une intelligence créatrice. Le principe de la tendance vers la stabilité est lui-même une hypothèse conforme à la science de la nature, et en même temps une pensée métaphysique ; et, des deux côtés, il devra se soumettre à la critique ; aller plus loin, c’est se confier à des articles de foi qui dépassent les données de l’expérience.

D’autant plus grossière et plus palpable est représentée dans la Philosophie de l’inconscient, de Hartmann, la fausse téléologie, qui tire du néant le travail mécanique et détruit