Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/319

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question de « causes spirituelles », dans le sens scientifique, il est toujours sous-entendu que ces causes se manifestent par l’intervention de corps humains. Ce que par hasard nous admettons de plus en fait d’« esprit », est transcendant et appartient au domaine des idées. Après avoir traversé le matérialisme pour arriver à l’idéalisme, nous avons le droit de déclarer que tout ce qui existe est de nature spirituelle, en tant que toute chose n’est d’abord pour nous qu’une représentation de notre esprit ; mais tant que nous établissons une distinction entre l’esprit et la matière, nous n’avons pas le droit d’inventer des esprits et des causes spirituelles qui ne nous sont pas donnés.

En ce qui concerne l’esprit de l’homme, admettons une fois que l’on puisse aussi soutenir la thèse qui fait disparaître le travail mécanique dans le cerveau et le change en « esprit », puis réciproquement fait naître de l’« esprit » seul une quantité déterminée de travail. Nous avons déjà suffisamment prouvé que cette thèse n’est pas la nôtre, mais que nous admettons, au contraire, pour les phénomènes matériels une série non interrompue de causes ; cependant supposons une fois ici le contraire, afin que nous arrivions du moins à un exemple de « causes spirituelles » produisant des effets matériels. On peut d’autant moins généraliser cette cause hypothétique que toute analogie entre les phénomènes de la nature et ceux qui se manifestent dans l’homme nous fait défaut. Il est bien permis ici de rappeler la condition posée par Du Bois-Reymond Si, dit-il, vous voulez me faire admettre une âme du monde, montrez-moi quelque part dans l’univers le cerveau correspondant à cette âme. Pourquoi cette condition nous semble-t-elle si étrange ? Uniquement parce que, pour les choses de la nature à propos, desquelles se présente le plus aisément une conception anthropomorphe, nous n’avons pas du tout l’habitude de penser au cerveau et moins encore aux mouvements moléculaires qui s’y produisent. Ce sont plutôt les mains d’hommes que nous transfor-