Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/447

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bien exister parallèlement aux faits, c’est l’hypothèse que tous ces effets de l’union de simples sensations reposent sur des conditions mécaniques que nous pourrons encore découvrir, si la physiologie accomplit des progrès suffisants. La sensation, et avec elle toute l’existence intellectuelle, peuvent continuer à être le résultat, variable d’une seconde à l’autre, du concours d’une infinité d’activités élémentaires réunies avec une variété infinie, activités qui peuvent être localisées, à peu près comme sont localisés les tuyaux d’orgue, tandis que les mélodies ne le sont pas.

Nous avançons maintenant à travers les conséquences de ce matérialisme, en remarquant que ce même mécanisme, qui donne ainsi naissance à la totalité de nos sensations, produit sans doute aussi notre représentation de la matière. Maisici il n’offre aucune garantie en faveur d’un degré spécial d’objectivité. La matière, au total, peut et doit même être le produit de mon organisation, tout aussi bien que la couleur ou qu’une modification quelconque de la couleur occasionnée par des phénomènes de contraste.

On voit ici pourquoi c’est chose presque indifférente (60) de parler d’une organisation intellectuelle ou d’une organisation physique, ce qui nous a permis d’employer si souvent une expression neutre ; car toute organisation physique, que je la montre le scalpel ou le microscope en main, n’est jamais que ma représentation et ne peut différer essentiellement de ce que je nomme intellectuel.

À l’époque de Kant, la dépendance de notre monde relativement à nos organes était généralement admise. On n’avait jamais bien pu digérer l’idéalisme de l’évêque Berkeley ; mais plus grave et plus influent devint l’idéalisme des naturalistes et des mathématiciens. D’Alembert doutait de la possibilité de connaître les véritables objets ; Lichtenberg, qui aimait à contredire le système de Kant, parce que sa nature se révoltait contre tout dogmatisme, même le mieux caché, avait compris le point unique, dont il est ici question, d’une