Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/459

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pothèse d’un monde des choses matérielles et existant pour soi, ne fût-ce que comme représentation auxiliaire pour la réunion des phénomènes. Ici, en tout cas, la fausse théorie de la projection est coupée dans ses racines.

Helmholtz fait observer que la polémique sur la cause du redressement des images n’a que l’intérêt psychologique de montrer combien il est difficile, même à des hommes d’une valeur scientifique considérable, de se décider à reconnaître réellement et essentiellement la part du sujet dans les perceptions de nos sens et avoir dans ces perceptions des effets des objets, au lieu de copies (sit venia verbo) non modifiées des objets, cette dernière idée étant tout fait contradictoire ». Helmholtz repousse la théorie Müller-Ueberweg, sans en nier toutefois la logique et la correction relative (62). Il est vrai que l’on n’en a plus besoin, pour peu que l’on ait pris l’habitude de considérer les phénomènes comme de simples actions des objets (c’est-à-dire des choses en soi inconnues !) sur les organes de nos sens ; toutefois la grande majorité de nos physiciens et physiologistes actuels non-seulement ne peut s’élever à la hauteur de ce point de vue, mais reste encore profondément enfoncée dans la fausse théorie de la projection fondée sur le principe que notre propre corps est élevé au rang de chose en soi. Pour couper cette erreur dans ses racines, le mieux est d’adopter la conception Müller-Ueberweg, qui alors, il est vrai, est supprimée à son tour par le point de vue supérieur de la théorie critique de la connaissance (63).

La foi aux choses matérielles est aussi fortement ébranlée non-seulement par l’élimination de l’ancienne théorie de la projection, mais encore par l’analyse des matériaux avec lesquels nos sens construisent le monde de ces choses. Quiconque n’osera pas avec Czolbe aller jusqu’aux conséquences extrêmes de la foi au monde des phénomènes accordera facilement aujourd’hui que les couleurs, les sons, les odeurs, etc., n’appartiennent pas aux choses en soi, mais