Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/519

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que l’idée est aussi importante pour le progrès que l’empirisme. Toutefois en tant qu’il s’agit simplement non de connaître la philosophie morale la plus exacte, mais de se laisser entraîner à des actions bonnes et nobles, une importance supérieure est acquise par l’idée qui, déjà sur le terrain de la connaissance, apparaissait comme le véritable ressort à côté des rouages de l’empirisme. Sans doute on peut ici demander de nouveau si l’idée motrice ne pousse pas souvent à l’erreur ; et notamment, en face des systèmes religieux, on peut poser cette question ne vaut-il pas mieux se laisser aller simplement l’action ennoblissante de la sympathie naturelle, et avancer ainsi lentement mais sûrement, que d’écouter des voix prophétiques qui, trop souvent déjà, ont entraîné au plus horrible fanatisme ?

Les religions à l’origine n’ont pas même le but de servir la morale. Produits de la peur devant de puissants phénomènes de la nature, produits de l’imagination, de penchants et d’idées barbares, les religions sont, chez les peuples à l’état de nature, une source d’atrocités et d’absurdités auxquelles le simple conflit des intérêts même dans sa forme la plus grossière, pourrait à peine donner naissance. Combien de ces éléments difformes souillent encore la religion même de peuples civilisés ? À cette question, nous pouvons répondre par l’opinion d’Épicure et de Lucrèce ; car, éblouis par les côtés sublimes de la mythologie antique, nous ne pouvons qu’avec difficulté pénétrer directement dans l’essence de la religion des anciens. Cependant la simple croyance à des êtres surnaturels tout-puissants devait offrir au développement naturel des idées morales un important point de jonction. L’opposition du tout, de l’ensemble de l’humanité, en face de l’individu, est difficile à comprendre pour l’homme, à l’état de nature ; mais la pensée d’un être vengeur, en dehors de l’humanité, pouvait ici être représentée de bonne heure ; effectivement, l’idée de la Divinité châtiant les hommes coupables de forfaits, se trouve déjà