Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/564

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culpabilité de tous, même des hommes les plus justes, il y avait un sens profond ; que faire appel sans réserve à la force de volonté de l’individu impliquait un grand mensonge, une grande injustice. Je demandais donc à côté du temple nouveau et riant de la religion de l’avenir au moins ma chapelle gothique pour les cœurs afuigés, et, dans le culte national, certaines fêtes où l’heureux de la vie apprendrait à se plonger au fond de l’abîme de la misère et à se retrouver avec l’infortuné et même le méchant dans un égal besoin de délivrance. En un mot, si dans notre christianisme actuel, la désolation et la contrition forment la règle générale, et si l’élan joyeux et le plaisir que donne la victoire forment l’exception, je voulais renverser ce rapport, sans éliminer le côté sombre qui nous accompagne à travers toute notre existence.

Je me rappelle encore très-bien qu’un jour nous nous entretenions de la nécessité qu’il y aurait à introduire dans le nouveau culte nos meilleurs chants d’église, à peu près comme on avait fait les psaumes dans le culte chrétien. Ueberweg me demanda quel chant des livres protestants je prendrais volontiers. Je lui répondis aussitôt avec la pleine conscience de la différence qui nous séparait le chant qui commence ainsi : « Ô tête couverte de sang et de blessures ». Ueberweg se détourna et renonça désormais à s’entretenir avec moi de la poésie religieuse de l’église de l’avenir.

Ueberweg n’était guère moins hostile à l’éthique chrétienne. Il reconnaissait, il est vrai, le principe de l’amour et il consentait bien à lui accorder une valeur durable ; mais, selon lui, il n’en fallait combattre que plus rigoureusement l’amour transformé en grâce. Il est à remarquer que ce fut précisément mon écrit sur la Question ouvrière qui le poussa à faire une déclaration formelle à ce propos (dans sa lettre du 12 février 1865). Ce n’est pas de la réalisation, c’est au contraire de la transformation des principes chrétiens qu’il attend d’importantes améliorations