Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/579

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un lien commun, les connaissances fragmentaires de la nature, est non-seulement la partie la moins sûre, mais encore la moins à l’abri des attaques d’une critique approfondie. Absolument le même rapport se répète dans les sciences particulières sur lesquelles le matérialisme s’étaie, par conséquent aussi dans toutes les parties distinctes du système. La solidité de ces parties, examinée à la lumière, n’est que la solidité des faits de la science, et cette solidité se rencontre surtout dans les faits particuliers, ces données immédiates de l’expérience. La vue d’ensemble qui convertit les faits en sciences et les sciences en système est un fruit de la libre synthèse, et provient par conséquent de la même source que la création de l’idéal mais, tandis que celle-ci dispose en complète liberté de la matière, la synthèse n’a sur le domaine de la connaissance que la liberté de son origine, qui émane de l’esprit poétique de l’homme. Elle est, d’un autre côté, chargée du soin d’établir la plus grande harmonie possible entre les facteurs nécessaires de la connaissance, soustraits à notre caprice. De même que le technicien, dans une invention, est lié au but que celle-ci doit atteindre, tandis que l’idée de cette invention jaillit librement de son esprit, de même chaque induction scientifique vraie est en même temps la solution d’un problème donné et un produit de notre esprit poétique.

Le matérialisme, plus que tout autre système, s’attache à la réalité, c’est-à-dire à l’ensemble des phénomènes nécessaires, donnés par les impressions que subissent forcément les sens. Quant à une réalité, telle que l’homme se la figure, et telle qu’il continue de la désirer après que cette chimère est ébranlée : une existence absolument solide, indépendante de nous et cependant reconnue par nous, il n’y a pas et il ne peut pas y avoir une pareille réalité, car le facteur synthétique, créateur de notre connaissance, s’étend effectivement jusqu’aux impressions premières des sens et jusqu’aux éléments de la logique (40). L’univers est non-seulement une