Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/592

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de la situation morale, peut être un objet d’aspiration plus puissant que la matière la plus réelle. Mais alors même qu’en termes formels on vante la certitude plus grande, plus élevée, plus positive des vérités religieuses, ces termes ne sont’que des circonlocutions ou des méprises d’une âme exaltée qui place l’élan du cœur vers la source vivante de l’édification, de la force et de la vie jaillissant du monde divin des idées, bien au-dessus de la saine connaissance qui enrichit l’entendement avec une petite monnaie dont on ne trouve pas l’emploi. Cette disposition de l’âme atteint sa plus haute expression dans l’âme d’un Luther, qui, tout en renversant lui-même par son opposition un édifice remontant à un millier d’années, va jusqu’à maudire la raison, qui résiste à ce qu’il a saisi, avec toute l’énergie de son tempérament fougueux, comme l’idée d’une ère nouvelle. De là vient aussi la valeur que des âmes véritablement pieuses ont toujours attachée à l’expérience et à la constatation internes comme preuves de la foi. Beaucoup de ces croyants, qui doivent le calme de leur âme aux pieux élans de la prière et qui conversent en esprit avec le Christ comme avec une personne, savent très-bien théoriquement qu’on retrouve de semblables processus de l’âme dans des dogmes complètement différents, et que le même succès, la même efficacité sont obtenus par des sectateurs de religions tout à fait distinctes. De l’opposition de ces croyances et de l’incertitude d’une démonstration qui soutient avec une égale force des idées contradictoires, ils n’ont généralement pas conscience, attendu que c’est plutôt l’opposition commune de toute foi contre l’incrédulité qui touche leur âme. N’estil pas évident dès lors que l’essence de la question gît dans la forme du processus spirituel et non dans le contenu logico-historique de chacune des conceptions et doctrines ? Celles-ci peuvent bien être en connexion avec la forme du processus, comme dans le monde des corps le mélange chimique des matières et la forme cristalline mais qui nous