Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/598

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rabilité et d’inviolabilité qui entourait la tradition religieuse. Alors seulement on arrive aux questions beaucoup plus simples : Comment concilier la toute-puissance et la bonté de Dieu avec l’existence du mal dans le monde ? Pourquoi les religions des autres peuples ne seraient-elles pas aussi bonnes que la nôtre ? Pourquoi ne se fait-il plus aujourd’hui de miracles, de miracles bien palpables ? Comment se peut-il que Dieu se mette en colère ? Pourquoi les serviteurs de Dieu sont-ils si méchants et si vindicatifs ? etc. — Si enfin la tradition de l’Église a perdu le crédit particulier qu’elle revendique, si l’on regarde la Bible du même œil que tout autre livre, on ne peut plus se figurer de cerveau si étroit, qui ne soit parfaitement capable de comprendre que trois ne peuvent pas faire un, qu’une vierge ne peut pas enfanter et qu’un homme vivant et corporel ne peut pas s’envoler dans le ciel bleu. S’il vient ensuite s’y joindre quelques notions des sciences de la nature, celles par exemple qui courent les écoles primaires, on voit se multiplier sans fin les absurdités sur lesquelles un railleur s’égaiera, sans posséder le moins du monde une intelligence hors ligne ou une instruction solide. Si néanmoins des hommes intelligents et instruits restent encore attachés à la religion, parce que, dès leur enfance, la sensibilité a joué un grand rôle dans leur vie, parce que l’imagination, le cœur, le souvenir d’heures fortunées les rattachent par mille racines aux fondements antiques et chéris de leur foi, nous avons là un contraste qui nous indique assez clairement où sont les sources d’où se répand le fleuve de la vie religieuse.

Tant que la religion sera cultivée, dans des communautés religieuses exclusives, par des prêtres qui se posent aux yeux du peuple comme les dispensateurs privilégiés des mystères divins, l’idéal en religion ne pourra jamais se montrer dans toute sa pureté. D’ailleurs, à l’idéologie n’est que trop souvent inhérent le poison de la croyance à la lettre. Le symbole devient involontairement et peu à peu un dogme in-