Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/96

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tels que Gutzkow, Th. Mundt et Laube apportèrent dans leurs écrits maint ferment d’épicurisme. Le dernier surtout secoua effrontément le vénérable manteau, que notre philosophie avait jeté sur les défauts de sa logique.

Ce sont pourtant les épigones de la grande période philosophique, à qui l’on attribue ordinairement la restauration du matérialisme. Czolbe regarde D. F. Strauss comme le père de notre matérialisme ; d’autres nomment plus justement Feuerbach (47). Il est certain qu’en signalant ces noms, on a, plus que de raison, tenu compte des polémiques religieuses ; toutefois Feuerbach se rapproche tellement du matérialisme que nous devons à ce philosophe une mention spéciale.

Louis Feuerbach, fils du célèbre criminalise, montra de bonne heure un naturel sérieux, actif, et plus de force de caractère que de vivacité intellectuelle. Entraîné dans le courant d’enthousiasme qu’excitait Hegel, il fit, comme étudiant théologien de vingt ans, le pèlerinage de Berlin, où Hegel trônait alors (1824) dans toute la majesté d’un philosophe officiel. Les thèses, dans lesquelles on ne faisait pas sortir l’être du non-être et l’affirmation de la négation, s’appelaient, dans les décrets officiels, « faibles et insignifiantes » (48). La nature sérieuse de Feuerbach se dépêtra des abîmes hegeliens et s’éleva à une certaine « superficialité », sans cependant jamais perdre entièrement la profondeur de l’esprit de cette école. Feuerbach n’est jamais parvenu à posséder une logique claire. Le nerf de sa philosophie resta, comme partout à l’époque idéaliste, la divination. Un « conséquemment » chez Feuerbach ne contient pas, comme chez Kant et Herbart, le sens d’une conclusion réelle ou simplement intentionnelle ; ce mot indique seulement, comme chez Schelling et Hegel, un élan que la pensée se propose de prendre. Son système plane donc aussi dans une obscurité mystique, que n’éclaire pas suffi-