Page:Langelier - Lettres sur les affaires municipales de la Cité de Québec, 1868.djvu/28

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devenons ainsi, pour ainsi dire, les bailleurs de fonds de tout le pays ; nous lui donnons à exploiter des capitaux que nous aurions dû garder pour nous. Quelle richesse nous procure le commerce de bois ? Il donne de l’emploi, pendant une partie de l’été, à quelques centaines d’ouvriers venus souvent de la campagne ; il absorbe, en revanche, presque tous les capitaux de nos banques, qu’il ferme ainsi à l’industrie et au commerce local ; il fait passer devant nous de grosses sommes d’argent, mais il ne nous en laisse rien.

Qu’on ne croie pas que j’exagère ; qu’on ne dise pas que le capitaliste qui se livre au Stock-jobbing, et que le marchand de bois, nous donnent au moins les revenus de leurs capitaux en loyers de bureaux ou de maisons, en salaires d’employés. On sait que ces deux espèces de commerce demandent un personnel très-peu nombreux. Tel individu, qui fait des affaires pour une centaine de mille louis, n’aura que quelques commis. D’un autre côté, il n’a le plus souvent pour bureau à la Basse-Ville, qu’une vieille masure pour laquelle il paie un loyer minime. Quant à sa résidence, souvent il n’en aura aucune, et logera dans une pension en été, et ira passer l’hiver dans le Haut-Canada ou en Angleterre, où il dépensera ce qu’il aura gagné au milieu de nous. S’il élit domicile ici, il aura soin de louer une maison aussi modeste que possible ; ou bien, s’il veut vivre avec le luxe que lui permettent ses moyens, il aura une villa magnifique sur le chemin du Cap-Rouge, à la Petite-Rivière, sur la route de Charlesbourg, ou à la Canardière, mais en dehors des limites de la ville. Il en sortira, non pas pour venir payer des taxes à notre caisse municipale, mais pour venir user avec les roues de son carrosse, des rues entretenues avec les taxes que paie le pauvre piéton qu’il éclabousse. Qu’il égratigne le vernis de sa voiture, vous le voyez jeter des cris de paon ; il dénonce à tout l’univers notre esprit rétrograde, et signale la mauvaise administration de nos affaires municipales. Il s’occupe peu de nous compromettre aux yeux de l’étranger, puisqu’il n’est parmi nous le plus souvent qu’à titre d’oiseau de passage.