Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/294

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Sans avoir eu de relations personnelles avec lui, ni pouvoir m'honorer de son amitié, je me suis trouvé en communion constante, en résonance avec lui, depuis, ma jeunesse, depuis ma sortie de l'École Normale, au moment où commençait l'affaire Dreyfus qui a exercé, sur nous tous, une si profonde influence et nous a fait comprendre le devoir de ne pas séparer, comme Romain Rolland le dit lui-même, la pensée de l'action, le devoir de mettre notre art ou notre science au service de la justice et de la vie. Il était sorti lui-même, huit ans avant moi, de cette École Normale, dont je crois bien être le seul représentant parmi ceux qui prennent la parole ce soir et au nom de, laquelle, je suis heureux de lui dire qu'elle est fière de lui. Je ne l'y ai pas connu, mais j'ai bien vite aimé son art et sa pensée, que j'ai connus par l'intermédiaire des "Cahiers de la Quinzaine" de Péguy où l'humanité profonde de Beethoven et de son Michel-Ange, puis de la série de Jean-Christophe, m'a révélé des aspects nouveaux de la vie et frappé par une connaissance exceptionnelle de l'âme et de la culture allemandes. C'est cette connaissance qui permet à Romain Rolland de comprendre mieux qu'aucun d'entre nous, ce qui se passe en ce moment dans le pauvre et grand pays voisin et lui donne, plus qu'à tout autre, le droit d'en parler. Cette connaissance lui a permis de comprendre immédiatement, en 1914, le drame de la guerre et explique l'horreur qu'il en a éprouvée. Il y a vu, plus vite et mieux que personne,