Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/99

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milliardième sur une masse d'un kilogramme. Comme l'a montré, en particulier, la fameuse expérience de Michelson, ces très hautes précisions se sont montrées nécessaires pour permettre à l'expérience de répondre aux questions de plus en plus précises posées par la théorie. Le développement de la théorie fondé sur l'expérience, nous permet à son tour de mieux comprendre les conditions de celle-ci et d'en augmenter constamment la précision en perfectionnant les instruments et en prenant de mieux en mieux les précautions nécessaires. L'histoire récente de la Physique fournit de continuels exemples de cette fécondation réciproque, de la théorie par l'expérience et de l'expérience par la théorie. Indépendamment de leurs actions et réactions mutuelles, l'expérience et la théorie trouvent extérieurement des appuis et des ressources, la première du côté de la technique, issue de notre science qu'elle féconde à son tour, et la seconde du côté des mathématiques auxquelles elle apporte aussi un stimulant précieux. Il est cependant juste et remarquable que parmi les constructions abstraites réalisées par les mathématiciens en prenant pour guide exclusif leur besoin de perfection logique et de généralité croissante, aucune ne semble devoir rester inutile au physicien. Par une harmonie singulière, les besoins de l'esprit, soucieux de construire une représentation adéquate du réel, semblent avoir été prévus et devancés par l'analyse logique et l'esthétique abstraite du mathématicien[1].

  1. Cette applicabilité des théories mathématiques les plus abstraites à l'étude de phénomènes physiques auxquels ne songeaient nullement leurs promoteurs, avait beaucoup frappé Paul Langevin qui y revient souvent dans ses écrits.