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LA NOTION DE CORPUSCULES ET D’ATOMES

qu'il peut être secoué s’il se trouve toucher les bornes dans des conditions favorables, ou bien au fait qu’une lampe mise entre les deux bornes rougira, s’éclairera ou sautera et qu’un voltmètre placé dans les mêmes conditions déviera. Il est tellement familier avec les manifestations concrètes de la différence de potentiel qu’il désigne celle-ci du nom familier de « jus ». Cela prouve que la notion a cessé d’être abstraite pour lui.

De même, rien n’a été plus difficile à acclimater, dans ma jeunesse, que la notion d’entropie. Cette notion s’est présentée tout d’abord par l’intermédiaire très abstrait d’une intégrale prise le long d’un chemin réversible. L’entropie, pendant longtemps, est restée un épouvantail. Aujourd’hui, nous y sommes habitués d’abord grâce à l’interprétation statistique qui en fait une mesure de la probabilité de l’état d’un système ; d’autre part, les ingénieurs thermo-dynamiciens qui utilisent la vapeur d’eau, se servent du diagramme entropique ; l’entropie est devenue pour eux une notion concrète. Ils la voient et la suivent à travers toute la série des transformations d’un fluide qui travaille ou d’un système chimique en évolution.

Nous ne devons pas nous refuser à admettre des possibilités analogues dans notre physique de l’atome ou du noyau. Tout en faisant l’usage le meilleur possible de notre outillage intellectuel héréditaire, nous devons être convaincus qu’une confrontation prolongée avec l’expérience nous permettra de colorer et de rendre concrètes les notions qui sont contenues en puissance dans les équations de la nouvelle dynamique et que nous avons le devoir d’en dégager, ou les notions entièrement nouvelles qu’il pourra être nécessaire d’introduire.

Je parlais tout à l’heure d’une série d’états individualisables, tels que les modes de vibration stationnaire ou les cellules d’extension en phase, qui peuvent être excités ou occupées par degrés discontinus dont chacun correspond à la présence d’un corpuscule, deux corpuscules semblables n’étant pas plus discernables l’un de l’autre que ne le sont deux degrés d’excitation successifs : il est évident que ce langage est encore bien abstrait. C’est cependant dans ce sens-là, me semble-t-il, que nous pouvons développer une conception cohérente qui mettra l’individualité là où elle doit être et nous évitera les difficultés de l’ancienne statistique, celles de la conception planétaire de l’atome et celles du principe